L'ensemble est à première vue sympathique car bien réalisé. Rendons justice aux costumiers, accessoiristes et décorateurs : à mes yeux, l'ambiance y est et c'est du bon travail. Le jeu d'acteur n'est pas mauvais non plus, mais sans trop de relief. Régulièrement toutefois fleurissent nombres de remarques si l'on est logique ou si l'on connaît un peu le monde médiéval et la légende du justicier de Sherwood. L'œil de l'historien ne manquera pas de remarquer ça et là des erreurs et anachronismes plus ou moins visibles et plus ou moins risibles. Des casques sensés apparaître un siècle plus tard, les fameuses barges de débarquement françaises, l'emploi étrange du français et de l'anglais, le nombre effarant de cavaliers dans l'armée anglaise, l'absence de réalisme politique et territorial, etc... tout ceci fait grincer des dents et lever les sourcils. Les batailles sont mises en scène sans grand relief et sans grande intelligence, ce qui est triste quand on compare la maetria de Ridley Scott dans les combats de Gladiator et Kingdom of Heaven. Seul le sac de Nottingham mérite le coup d'oeil, pour sa vérité crue. Autrement, tout soudard opposé aux gentils est un pauvre type simplement voué à mourir ou à se rendre, que ses adversaires soient d'autres soudards, des archers, des femmes sans entraînement militaire ou des enfants fugueurs malades et sous-alimentés.
Le film ne dit ni ne montre l'Histoire véritable de l'époque, si complexe : elle est ici simplifiée, torturée et manipulée. Rien ne filtre de l'étendue des possessions anglaises en France, âprement défendues par Richard Coeur de Lion, moins roi anglais que puissant prince féodal français rebelle. Après sa mort, effectivement venue en 1199 d'un carreau d'arbalète lors d'un siège, mais surtout de l'infection qui suivit, son frère Jean sans terre lui succède. Celui-ci est effectivement et unanimement détesté pour sa politique fiscale terrible et sa cruauté envers ses propres sujets. Le Roi de France Philippe II Auguste part à la conquête des possessions territoriales anglaises et défait les contre-attaques (juillet 1214 : la Roche-aux-moines, Bouvines). Puis, son fils Louis, futur Louis VIII le Lion, est proclamé Roi d'Angleterre par nombre de barons anglais. Il débarque victorieusement en Angleterre et occupe Londres et tout le sud et l'est du pays en 1216. La mort de Jean sans Terre provoque une révolte générale contre les Français, battus avec leurs alliés à Lincoln. Le prince et son corps expéditionnaire rembarquent en 1217 du fait du manque de renforts et de la perte du contrôle de la Manche après la bataille navale des Cinq-îles. Voilà un bref résumé de l'Histoire du temps.
On imagine donc mal une armée purement anglaise en campagne en France sous le roi Richard : ses sujets français, eux-mêmes plus nombreux que tout le peuple anglais, suffisaient sans doute amplement. Et imaginez-vous franchement voir Londres occupée par les troupes françaises dans un film américain ou britannique ? Personnellement, j'en doute, surtout s'il s'agit d'une superproduction comme celle-ci. Comment donc rester de glace devant les relents de bons sentiments et de chauvinisme anglo-saxon ? Le monde britannique est donc encore et toujours à l'honneur... Mais de manière tellement niaise qu'on se surprend à ricaner quand des paysans anglais sont mis à la boucane par une soldatesque française pillarde, paillarde et pochtrone comme elle se doit d'être. Le film m'apparaît donc comme une parodie de son propre genre virant à la farce tant la crédibilité historique est mise à mal. Une véritable désinformation est distillée pour peu qu'il n'y ait aucune réflexion du spectateur moyen, celui-ci ayant l'impression de regarder, de bonne foi, ce qui semble être un authentique film historique. Les bons Anglais sont des victimes assoiffées de liberté opposés à un roitelet tyrannique et à nous autres Français, qui entrons dans le rôle du cochon de soudard manipulateur, cruel mais trop idiot pour tenir une épée. Rappellons au passage que les exations de la troupe de Godfroy dans le film sont un écho aux dévastations du nord de l'Angleterre par les troupes du Roi Jean en personne, qui n'eut pas besoin d'écorcheurs français, merci bien.
Certes, il s'agit d'un divertissement, mais il y a une limite à tout : quitte à faire rire, autant instruire. Ce dont le film n'a cure. Disons alors que cette comédie guerrière en costume n'est pas sérieuse. Bien réalisé mais mal pensé et trop orienté, ce Robin des Bois est surtout à prendre au troisième degré. Divertissant, ni plus, ni moins.