Adapté d’une pièce de théâtre à succès, Le Bal rend deux vibrants hommages, audit bal tout d’abord, art et pratique alors en voie de disparition qu’il s’agit de restituer dans leur histoire, au cinéma ensuite et essentiellement : Ettore Scola pense chaque époque par le prisme des films qu’elle a portée, fait évoluer la caractérisation de ses personnages à mesure qu’ils réagissent avec leur environnement politique, social et culturel, si bien qu’il compose une galerie de portraits en mouvements mimétique des danses engagées. La photographie diffuse une mélancolie surannée que l’on trouverait sinon dans le cinéma de Rainer Werner Fassbinder, référence explicitée par la chanson « Lili Marleen » à laquelle le cinéaste allemand a consacré un biopic en 1981, soit deux ans auparavant.
Le choix d’instantanées en noir et blanc pour articuler les époques emprunte à la vignette et, par extension, au format de l’album que l’on feuillette pour retrouver une atmosphère disparue ; l’omniprésence de la musique, qu’il s’agisse des chansons originales et des reprises par un orchestre, revivifie le passé mais d’une façon paradoxale puisque c’est en insistant sur la fiction que la réalité transparaît. Dit autrement, Ettore Scola rend visibles les artifices de la reconstitution pour mieux figurer et concrétiser les âges traversés : il ressuscite Jean Gabin ou le duo formé par Olivia Newton-John et John Travolta dans Grease (Randal Kleiser, 1978), conçoit une esthétique de la soirée dansante – encadrée par l’ouverture et la fermeture de la salle – et signe une œuvre unique en son genre, dépourvue de paroles, acte de foi placé en l’image et en l’acteur.