« Inspiré d’une histoire vraie » (la formule magique de Hollywood depuis ces 15 dernières années) comme c’est indiqué dans le générique de début et rappelé dans le générique de fin, « Free Love » n’est pas ce qu’on appelle d’habitude un « Court Movie », c'est-à-dire un film construit autour d’un procès. Ici, il n’est pas question de faire appliquer la loi, ou de chercher à savoir qui la contourne, il s’agit de changer la loi. C’est donc bien un film politique, militant, et assumé comme tel que propose Peter Solett. En suivant une trame chronologique classique (la rencontre, l’installation dans la nouvelle maison puis l’épreuve jusqu’à l’inévitable dénouement), il filme d’abord et avant tout une histoire d’amour entre une femme mûre, installée dans la vie et socialement reconnue et une jeune femme plus assumée et plus masculine. Le talent de Juliane Moore et d’Ellen Page apporte beaucoup à la crédibilité de cette histoire d’amour sur laquelle on n’aurait pas parié au départ. Elles sont très différentes, elles n’assument pas leur orientation sexuelle et amoureuse de la même manière et l’obsession de Laurel à cacher sa partenaire aurait pu lasser cette dernière, et cela aurait été bien compréhensible. Sur ce point, le film est assez démonstratif et c’est normal. Laurel est flic, elle est une femme et en plus, elle est lesbienne. Déjà c’est son partenaire que l’on félicite en premier quand un coup est réussi, elle est une femme, elle est d’abord un faire valoir de son collègue. Il lui est impossible en plus d’assumer sa différence dans un milieu si machiste et conservateur, il n’y a rien de surjoué dans cette situation. Julianne Moore (affublé d’un brushing très 70’s assez laid, pour tout dire) est très touchante dans ce rôle, à la fois forte et fragile, à la fois sure d’elle dans son travail et si peu sure d’elle dans la vie. Sa maladie puis son agonie (interminable) montrée de façon sobre et sans (trop) de pathos lui offre l’occasion de jouer dans un registre difficile, tout en émotion (beaucoup de silence, beaucoup de jeu juste avec le regard). A ses côté, Ellen Page est dans un rôle plus « facile », celle d’une jeune femme amoureuse et combative, qui voudrait juste vivre normalement la vie qu’elle a choisit, pour peu qu’il s’agisse d’un choix. Les seconds rôles, essentiellement masculins d’ailleurs, sont très bien tenus. Michael Shannon (que je préfère 100 fois dans ce registre que dans « Midnight Special ») est sobre et impeccable. Steve Carell apporte un tout petit peu d’humour en composant un militant gay à l’engagement démonstratif et bruyant (ce qui ne le rend pas tellement plus efficace). Josh Charles, quant à lui, aurait mérité un rôle plus écrit. Au sein du comité du Comté, il est celui qui peut faire pencher la balance, tiraillé entre ses ambitions politiques et ses convictions. Ce qu’il est, son histoire, sa vie et son engagement, tout cela aurait pu être un tout petit peu plus développé. Là, il apparait comme un modéré mal assumé, écrasé par des idéaux politiques conservateurs avec lesquels il doit composer, c’est un peu court et un peu léger, je trouve. La réalisation de Solett est très académique, il nous livre un film assez démonstratif, en usant des ficelles habituelles : peu de flash back (sinon pour faire un peu pleurer sur la fin), musique appuyée, il ne parvient pas à nous épargner le pathos qui finit par engluer un peu les 15 dernières minutes du film. Mais sur un sujet comme celui là, j’imagine qu’il est difficile de faire autrement. Le petit souci de « Free Love », à mon sens, est qu’il place le débat de l’égalité homo-hétéro dans le contexte de l’administration américaine auquel, il faut bien l’avouer, nous ne comprenons pas grand-chose. C’est le principal écueil du film, cette commission qui siège et refuse obstinément de modifier la réglementation administrative (je ne suis pas certaine qu’on doive l’appeler commission d’ailleurs), on ne parvient pas à comprendre quelle est sa place dans la vie politique du New Jersey : dépend-elle du judiciaire autant que de l’administratif ? Quelle est sa place vis-à-vis du gouverneur de l’Etat ? Ses membres sont probablement élus, mais ce n’est jamais clairement précisé. Or, c’est devant cette commission que tout se joue, c’est le cœur du film. Ces détails (qui n’en sont pas si on veut appréhender le film dans sa globalité), il n’est nul besoin de les exposer aux yeux du public américain qui connait le fonctionnement de son administration. Mais à nos yeux à nous, cela reste confus, on devine l’importance de ce qui ce joue plus qu’on ne le comprend vraiment. Reste que « Free Love » est un film d’une 1h40 qui se laisse voir sans problème et sans ennui, qui donne l’occasion à deux comédiennes de donner corps à une histoire d’amour entre femmes (ce que ce cinéma n’a quasiment jamais montré jusqu’à très récemment) et qui pose la question, jamais superflue et jamais inutile, de la différence et de l’acceptation de l’autre. Qu’elle fasse cette démonstration de façon un peu appuyée et avec un peu de pathos n’est finalement pas bien grave.