Le pitch fait penser à La Malédiction, pensée aussitôt écartée : exit le diable et ses relents judéo-chrétiens nauséabonds. Ici le petit garçon pas très gentil est juste un petit garçon pas très gentil, pas le diable… Dès les premières images, Joshua jouant au soccer sous les yeux de son père, le décalage s'impose. Dès que le garçon de neuf ans est présent, images et sons ne sont plus sur la même longueur d'onde. Le cadre lui-même le place en périphérie tel un observateur ou un démiurge, ce qu'il est en vérité. Durant tout le récit, il tire parti des situations pour les mettre au service de son trouble dessein. Pour le spectateur, la sensation d'enfermement est palpable dès les premières scènes. Au cours d'une réunion de famille fêtant l'arrivée de la petite sœur, père caméra rivée à l'œil, mère rivée à son bébé, Joshua jouant du piano aux côtés de son oncle, grands parents critiques, on étouffe. Et ce sentiment ne nous quitte pas. La mise en scène et l'habile scénario tirent profit d'une situation banale : un couple, le fils aîné, la petite sœur, le souvenir de la déprime post-natale de la mère à la naissance de Joshua, le père conciliant puis débordé. Le suspens grandit lentement. Les personnages déraillent petit à petit, Joshua observe, contrôle, agit. On pense à Polanski, à Cronenberg. On n'est pas dans un film d'horreur, ni un thriller, plutôt un film psychanalytique. Jouant des schémas familiaux établis, brisant les tabous (où comment des parents vont haïr leur enfant), illustrant à l'extrême les questionnements, les doutes et les peurs de tous les membres de la famille à la venue d'un nouveau né (mère angoissée par la perte, père rassemblant ses instincts protecteurs, fils se sentant désaimé), ce premier film du documentariste George Ratliff, scandaleusement mal distribué, s'impose comme une œuvre majeure à la fois classique et novatrice. Le trio Sam Rockwell, Vera Farmiga et Jacob Kogan est excellent et contribue à rendre Joshua inoubliable...