Joshua
Un film de George Ratliff
Présenté dans le cadre de la compétition du 15ème Festival du Film Fantastique de Gérardmer, Joshua faisait figure de thriller classique, perdu au milieu de représentants d’une horreur plus conventionnelle.
Le film a cependant reçu un accueil plutôt chaleureux. Il y a trois mois, FANTASTIC’ARTS 2008 ne lui a peut-être pas décerné de récompense –la concurrence était très rude cette année- le film en est néanmoins reparti avec un bouche-à-oreille favorable, qui fait que les spectateurs avertis attendaient sa sortie avec impatience. Enfin sur nos écrans, ce premier long-métrage en glacera plus d’un.
Joshua est le fils de Brad et Abby, un gentil petit couple vivant confortablement dans un magnifique appartement de Manhattan. Joshua a neuf ans, et s’était habitué au fil des années au cadre douillet que lui procurait son statut de fils unique. La venue d’un nouveau membre dans la famille va remettre ce fragile équilibre en question. Lorsque la mère reviendra de l’hôpital avec sa petite sœur, un terrible conflit intérieur prendra forme derrière son inquiétant regard de premier de la classe. Les adultes qui l’entourent seront à des lieux d’imaginer la rage et la froide détermination qui l’animeront par la suite. Il y a bien sûr le côté évident que son entourage arrivera à imaginer : Joshua ne semble guère apprécier l’intrusion du nouveau né dans le cercle familial, quoi de plus normal ? Pourtant, ses regards, sa façon de dévisager les membres de sa propre famille ne laissent rien augurer de bon.
La fragilité d’Abby, sa dépression post-natale, va se trouver aggravée par les cris incessants du bébé. Dans son rôle, la comédienne Vera Farmiga (vue récemment dans Les Initiés de Scorcese) exprime toute l’intensité qu’une telle situation peut atteindre, et l’aliénation qu’elle peut entraîner. A sa naissance, Joshua avait également créé des problèmes à ses parents. Pleurant encore et encore, le nouveau venu modifie son environnement, le pare d’un voile déformant. Le comportement de Joshua va sembler s’accentuer, petit à petit, et le metteur en scène aura la bonne idée de brouiller les pistes. Qui, de la mère ou du fils, est réellement dérangé ? La mère, à bout de force, fait-elle des hallucinations, imaginant Joshua apparaître çà et là sans crier gare, ou bien Joshua est-il un véritable petit monstre qui se cache derrière son petit air coincé d’enfant modèle. La suite nous donnera des indices. Le papa, Brad, va commencer par perdre sa concentration au boulot, avec toute la fatigue et la tension l’attendent à son foyer. Les interminables travaux qui se prolongent dans l’appartement du dessus n’arrangent rien. Quand Brad décidera de prendre ses responsabilités et épauler son épouse, mettant un peu de distance entre son travail et sa famille, il sera peut-être trop tard. ..
La photographie est superbe (elle a d’ailleurs été récompensée au Festival de Sundance en 2007), et s’associe à la musique, sobre, qui sait appuyer les moments-clé, pour créer un contexte à la fois réaliste et chargé d’une menace insidieuse. George Ratliff est parvenu à masquer les petites faiblesses de Joshua (quelques scènes prévisibles, une histoire basée sur un nouveau-né qui pleure et pleure à longueur de journée, comme si cela pouvait être extraordinaire), en employant le minimum d’effets, et en imprimant un changement de rythme à son film en seconde partie. Celle-ci s’avère plus surprenante et inventive, les changements de décors lui donnent l’occasion d’étoffer une atmosphère qui ne fera que s’apesantir. En associant ces aspects avec une interprétation qui ne souffre aucun reproche, George Ratliff a concocté un film surprenant, qui a su s’appuyer sur des recettes éprouvées. Dans le rôle de Brad, Sam Rockwell, paraît un peu fallot au début, pour ensuite s’affirmer plus et devenir plus expressif. A ses côtés, Vera Farmiga exprime toutes les pensées contradictoires pouvant traverser une mère dont le bébé s’exprime avec la même inlassable vigueur. Mais le clou du spectacle réside certainement dans la prestation de Jacob Kogan (Joshua), et dans les scènes que le jeune comédien partage avec Dallas Roberts, qui interprète Ned Davidoff, le frère d’Abby. Le duo au piano final (Jacob Kogan y chante d’une voix si cristalline), glaçant, devrait rester dans nos mémoires.