Qui aurait pu croire que ce film, tourné dans les rues de Dublin, pour l’équivalent du salaire journalier de Thierry Henry (150 000 euros), connaîtrait un aussi fabuleux destin ? Pas grand monde visiblement, à commencer par les producteurs, qui ont eu, plus d’une fois, l’occasion de faire admirer à John Carney (ex-bassiste du groupe The Frames, aux côtés de Glen Hansard) la couleur de la porte de leur bureau, la faute à un scénario jugé trop simpliste.
Mais la qualité dépend-elle forcément du degré de complication ? La preuve que non, tant celle de “Once” est aussi élévée que son point de départ est simple, résumable à un classique “boy meets girl”. Lui, chanteur dans les rues de la capitale irlandaise, sort d’une difficile rupture amoureuse, tandis qu’elle, immigrée tchèque, doit se débrouiller seule avec un enfant sur les bras et un mari absent. Deux âmes seules qui vont vite s’apprivoiser puis s’accorder, autant musicalement que sentimentalement, pour devenir âmes sœurs, et constituer l’un des duos les plus touchants de cette année : il n’y a qu’à voir l’osmose et l’émotion que dégage leur interprétation de “Fallin’ Slowly”, chanson mélancolique aux paroles éloquentes (“Je ne te connais pas/Mais je te veux déjà”), pour comprendre que l’on se trouve face une perle, une mélodie où tout sonne juste, des situations aux dialogues, en passant par l’interprétation, sobre mais poignante, de Glen Hansard et Marketa Irglova. Caméra DV à l’épaule, John Carney cède à quelques passages forcés, telle la balade à mobylette, mais parvient à déjouer nos attentes, autant sur le plan de la romance que de la success story, dans un dénouement moins convenu qu’à l’accoutumée, d’où jaillit, une dernière fois, l’émotion, avant que la parenthèse enchantée ne se referme, laissant sa musique nous résonner en tête pendant longtemps.