Une infinie tristesse prolonge le film de ce jeune nouveau réalisateur, disciple de << l'émotion rentrée >> qui fait tout l'art de Clint Eastwood (par ailleurs auteur de la belle musique de ce premier long-métrage). "Grace is gone" aborde d'ailleurs un sujet délicat : le deuil, et très légèrement les conséquences de la guerre en Irak (moins importantes dans le film que la mort elle-même). Comme un cri étouffé, un secret terrible que l'on garde dans le coeur sans jamais vouloir le partager par peur de faire souffrir l'autre, toutes les scènes transpirent une vérité de l'approche et du comportement qui alimente, au-delà de la péripétie, les sentiments humains : culpabilité, désespoir, abandon, manque, solitude, effroi... grâce au jeu retenu et d'une extrême justesse de John Cusack (bien loin de ses récentes niaiseries filmiques), "Grace is gone" tient en haleine, autant parce qu'il est formidablement bien écrit que parce que le charisme de cet acteur hors-norme, aussi fragile que supra-humain, impose à l'écran un regard à capter par la caméra. Le tact de la mise en scène, faussement embarquée, intime, éventrée et profondément en dedans de l'âme des protagonistes, installe une rythmique lancinante, véritable parce qu'elle transpire ce goût âpre de l'incommunicable, de l'irrespirable, de l'impensable (qui ne peut se penser et se panser). Dans l'installation visuelle du partage dramatique, ce délicat petit film d'auteur, au budget restreint, a pourtant une force et une présence qui manquait à "La chambre du fils" de Moretti ; c'est-à-dire que, par parti pris, Moretti refusait de prolonger le drame, de faire influer le présent dans le futur et l'inconnu, tandis qu'en imprégnant sa caméra d'un style en mouvements, bercé, valsé, James C. Strouse parvient à pénétrer la dureté des thèmes évoqués et les laisse respirer bien après, se dégonfler, s'étendre comme un voile flottant dans l'air. Un voile de souvenirs, de présent, de futur, de regards et de baisers, un voile d'une tr