Ce n'est pas une comédie de moeurs, ce n'est pas une comédie dramatique, ce n'est pas un film d'espionnage ni une chronique sur les trentenaires en milieu urbain. Et pourtant c'est un peu tout ça à la fois. Qu'est-ce donc alors ? Un film déroutant, assurément, dont le premier quart nous laisse désemparé (vu qu'on ne sait pas dans quelle case le ranger). Une fois que l'on a accepté le genre, ou plutôt le non-genre, alors on peut se laisser porter par une histoire plutôt absurde dont l'intrigue principale nous échappe rapidement. Mais l'essentiel n'est pas là. Tout va tourner autour des relations bizarres entre deux agents secrets pas vraiment brillants, catapultés dans un cours de chant au milieu duquel une veuve totalement à l'ouest tente de trouver sa voie (et sa voix aussi bien entendu...). La comédie est là mais au détour d'une phrase, dans les derniers mots d'une réplique qui ne colle pas avec la précédente, dans un regard en coin, une situation grotesque. Les personnages se questionnent sans cesse mais souvent hors contexte, tous empêtrés dans une crise existentielle et narcissique avec pour point commun le désir, le sexe, le besoin de plaire. Les dialogues sont fins, très bien écrits, ciselés. La mise en scène est élégante et affirmée, laissant la part belle à la nudité des corps, l'érotisme des peaux, le sens des regards. Certaines scènes sont d'ailleurs plutôt culottées (bien qu'elles ne le soient pas) et la liberté de ton fait plaisir à voir. Le casting est impeccable : Jeanne Balibar est irrésistible, Marina Foïs décalée à souhait, Lorànt Deutsch plutôt touchant, et Julien Baumgartner très convaincant en pute infantile. Tout ces ingrédients, mêlés de manière plutôt particulière dans cet ovni cinématographique, font du Plaisir de chanter un film qui, même s'il ne provoque pas un enthousiasme forcené, mérite le détour. Le parti pris risqué est assumé de bout en bout. Et ce n'était pas une mince affaire...