Avis sur Office

À l’image de la mise en scène dynamique et inspirée, Office est assez bluffant dans de nombreux domaines. Entre les cadrages soignés et les décors aux néons surréalistes, la patte de Johnnie To est bien là. Néanmoins, cela ne suffit pas à faire un bon film...

Johnnie To est un habitué des polars survitaminés et un virtuose de la caméra. Ce film est d'autant plus une curiosité qu'il en est l'auteur. Une comédie musicale, satire sociale de l'hyper capitalisme chinois. C'est très surprenant, encore faut-il supporter un scénario un peu obscur et des chants en chinois légèrement exaspérants... Visuellement, c'est très stylisé, tout en transparence et en chorégraphies en costumes. Étrange mais assez amusant.

Cela faisait un moment que Johnnie To était absent de nos écrans. Le brio de sa mise en scène est toujours vigoureux et exploite à 100% les décors minimalistes de l'intrigue.
Mais l'histoire est obstinément confuse. Tout va beaucoup trop vite, et si l'on comprend la critique des banques et de l'individualisme etc, le reste est trop abscons.

On connaît le Johnnie To amateur de polars, de films de gangsters et de scènes de fusillades sacrément réussies mais le voilà qui nous prend tous à contrepied avec "Office", un drama aux allures de soap centré sur une entreprise hong-kongaise en passe de rentrer en bourse alors que le krach boursier de 2008 va éclater. Et le film est d'autant plus surprenant qu'il s'agit d'une comédie musicale tournée dans des décors semi-abstraits où la transparence prime. Oui, une comédie musicale hong-kongaise réalisée par Johnnie To existe et le voir s'attaquer à ce registre est assez excitant et très surprenant. Le cinéaste n'a d'ailleurs rien perdu de sa virtuosité qu'il dévoile aux détours de séquences habiles mettant en scène des personnages très bien définis évoluant dans un cadre bien précis. Sous le couvert du "workplace drama" et de la romance, c'est pourtant un monde bien cynique que To dévoile, mettant à jour des personnages bourreaux du travail, bossant à fond pour courir après un rêve qui n'est qu'une vanité qui n'enrichira pas leur vie. D'où ces personnages voués à l'échec, à l'exil ou à la réussite, chacun gérant tout ça comme il peut. Si l'ensemble est un peu longuet, To embrasse le ton outrancier de son film à merveille et assume tout avec une caméra légère et des acteurs en grande forme, chacun étant visiblement ravi de faire partie d'une aventure aussi particulière, dénonçant le capitalisme outrancier en chansons.

Ce qui est marquant dans ce film c'est que personne n'aurait pu imaginer il y a encore une quinzaine d'année un film aussi satirique et moderne sur l'hyper capitalisme à la chinoise même si ce film est fait à Hong Kong et dans l'univers Hong kongais. Le cadre temporel et le moment du début de la crise financière de 2008 des subprimes qui encore aujourd'hui a changé le monde entier et sans doute pour longtemps mettant fin à un capitalisme et libéralisme débridé sans limites et surtout sans victimes. Ici une grande société de Hong Kong, prête à entrer en bourse, et à l'intérieur la vie des employés, la pression, le rendement, l'implication totale, le burn out, les relations amoureuses, amicales, compétitives, concurrentielles le tout filmé dans un décor et environnement surprenant avec quasi une unité de lieu et une transparence des décors de cette machine qu'est l'entreprise financière, véritable ruche hyperactive. Le style est osé, moderne, avec des axes de prises de vues étonnants, un rythme tant visuel que narratif très punchy et choix intéressant et un peu destabilisateur entre la comédie musicale et le jeu plus traditionnel vraiment original. On suit presque comme un thriller cette saga capitaliste qui repose aussi sur un système vertical et patriarcal avec à l'intérieur le grand patron qu'est le père, charismatique par ailleurs, interprété avec brio par Chow Yun Fat. D'excellents acteurs l'entourent comme la toujours exceptionnelle Tang Wei, ici dans un rôle plus effacé. L'intérêt de l'histoire en elle même s'emousse cependant peu à peu mais on retiendra surtout le style, le parti pris esthétique, et la satire d'une société capitaliste asiatique et ses répercutions sur ce qu'est la vie aujourd'hui de ces millions de golden boys et golden girls dans cette partie du monde. Surprenant, original, novateur, un film vraiment à découvrir.

Johnnie To a beau être un as de la mise en scène et de l'exploitation des décors, usuellement les rues des villes, et de Hong-kong en particulier, mais ici ce sont les bureaux d'une société financière de Hong-kong, et ici le film est visuellement impressionnant et Johnnie To appréhende pleinement cet univers et cet ensemble de décors, d'escaliers, de murs en verre. Mais cet ensemble nous laisse de marbre, sans aucune empathie pour les personnages dont nous n'arrivons pas à nous y intéresser. Est-ce parce qu'il s'agit d'une comédie musicale, une vraie? Peut-être, car nous avouons pleinement être insensibles à ce style.
Nous percevons bien que Johnnie To se moque de cet univers de la finance et de ces personnages avec tous le même uniforme et dont les préoccupations sont purement pécuniaires et qui passent leur temps à se mentir.
Néanmoins, le film est brillant sur la forme. Et il est toujours surprenant de voir Chow Yun-Fat sans un révolver à la main!