Le mouvement au cinéma a toujours été un but, une quête absolue de pouvoir réussir à capter la plus pure beauté du corps en mouvement et la mettre en valeur telle une œuvre plastique à part entière, au sein même d’un récit que formera le film. Le mouvement dans l’art de manière générale a toujours été une recherche et un questionnement fondamental que ce soit par la peinture, la photographie, la danse, bien que le cinéma par l’idée de pouvoir maîtriser l’espace et le temps, se prête pleinement à la représentation du mouvement. Mais dans Black Swan, l’enjeu même qui motive le film de bout en bout est bien la volonté de la pureté totale de l’art et comment celle-ci parvient à se manifester. Le film questionne ce rapport a l’art dans tous les sens possibles, le nôtre en tant que spectateur, en tant que concurrent, parent, et bien sûr celui en tant qu’artiste, habité par cette quête de la maîtrise absolue.
Ainsi, le film réalisé par Darren Aronofsky, met en scène l’histoire d’une danseuse de ballet, Nina, qui ne vit que pour son art et rêve de décrocher le premier rôle d’une nouvelle mise en scène du Lac des Cygnes de Tchaïkovski. Le film est un parfait exemple de l’harmonie à trouver par le corps en mouvement et celui de la caméra. Entre caméra à l’épaule pour une pure immersion sur scène et rôle de transmission pour rendre visible aux spectateurs ce qui est représenté, celle-ci virevolte dans une symphonie totale pour suivre toutes les émotions qui peuvent être transmises, où montage et différents plans font sens en tout point. Avec de plus ce tout, intégré dans une histoire qui fait parfaitement écho à cette mise en scène, où les quelques éléments de fantastiques du film donnent finalement une portée autre, encore plus grande à ce qui est évoqué et ceux-ci sont exprimés avec justesse et subliment une brillante Natalie Portman multirécompensée pour ce rôle.
Toutefois, ce but du sublime, de la beauté ultime ne peut passer que par l’échec, le doute, la jalousie, autant de déception qui rappelle des caractéristiques humaines de ce personnage et qui nous attachent à lui. Le film parle en effet de ces périodes si difficiles lorsqu’une vie entière a été consacré pour ce seul et unique but. Evoquant ainsi la possibilité emprunter des voies qui dévient complètement des croyances qui ont construit l’artiste, parfois malsaine, que ce soit consciemment ou non. Black Swan est donc un film qui questionne la vision artistique par une mise en scène incroyable de virtuosité et d’élégance mais qui obsède et broie au-fur-et-à-mesure l’héroïne, bouleversée entre besoin de perfection technique et folie maléfique qui la sort de sa propre nature, finissant par devenir fatalement obsédé par ce rôle, en oubliant sa propre existence. Ces questionnements spirituels semblent touchés profondément le réalisateur puisque ce thème de l’artiste, ce qu’il ressent et son fonctionnement psychique de création a déjà été abordé dans Mother ! sortie en 2017, où malgré la vision semble -t-il plus personnelle, le sentiment qu’il veut produire prend le pas sur l’histoire.