Darren Aronofsky avait atteint son apogée visuelle avec The Fountain pour ensuite retomber au plus bas avec The Wrestler, quasiment tourné comme un documentaire. Si son style varie, Aronofsky conserve cependant tout son talent quant à raconter une histoire complexe et émouvante, allant au-delà des conventions actuelles. Il revient en 2010 avec un cinquième film encore plus impressionnant, maitrisé de A à Z, une version moderne du Lac des Cygnes de Tchaïkovski, pièce universelle connue de tous. Réalisation époustouflante, direction d'acteurs comme toujours exemplaire, musique magnifique et surtout, Natalie Portman. L'actrice trouve ici le rôle de sa vie : belle, fragile, vraie, vivant littéralement son personnage, elle lui donne ce qu'il faut de conviction pour l'habiter. Sincère, omniprésente, Portman se dépasse en devenant une réelle danseuse ainsi qu'une réelle femme, nous bluffant tous sans exception. Aronofsky la dirige à la perfection, la transformant en un talent à l'état brut. À ses côtés, Vincent Cassel, parfait en directeur artistique aussi exigeant qu'intrigant ; Mila Kunis, bien loin de "That '70s Show" ou ses ratages filmiques (Le Livre d'Eli...), éblouit de son naturel pervers et sensuel, véritable opposé dégueulasse de notre héroïne. Reste Barbara Hershey, la mère de Nina : possessive, couveuse à l'extrême, retenant quasiment prisonnière sa fille de 28 ans dans un monde strict et rose bonbon. Peu de personnages, ne servant qu'à mettre plus en valeur Nina, l'héroïne, le cœur du film. Mais qu'en est-il du scénario ? Une merveille signée Aronofsky, son interprétation moderne du ballet tout en grâce et en violence. Son personnage principal est la princesse qui se meut lentement en son double maléfique pour arriver à ses fins. Ayant totalement assimilé l'essence de l'œuvre de Tchaïkovski, le metteur en scène nous éblouit grâce à des ambiances lorgnant tantôt vers le fantastique, tantôt vers le thriller psychologique mais va néanmoins droit au but sans faux pas. Paranoïa, schizophrénie, lois de la logique bafouées ou simple envie de surpasser par le biais d'hallucinations ? La réponse demeure dans ce film atypique prouvant une nouvelle fois le talent démesuré de son metteur en scène.