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traversay1
3 645 abonnés
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3,0
Publiée le 2 août 2016
Un amour éternel de Kinoshita : beau titre mais la promesse n'est pas vraiment tenue. Le plus étonnant : la violence des dialogues, d'une cruauté indicible légérement adoucie par le happy end. Nettement moins émouvant que les 24 prunelles mais important à voir pour les amateurs du grand cinéaste japonais.
C'est une histoire d'amour contrariée. Une femme se voit contrainte d'épouser l'homme qui l'a violée, et son premier amant n'a pas voulu fuir avec elle. Il s'ensuit une haine entre mari et femme et avec le fils né du viol. Le film pourrait s'appeler "une haine éternelle". spoiler: Les deux anciens amants ne se reverront que ponctuellement.
Cette histoire simple est très bien réalisée par le cinéaste japonais. C'est filmé en décor réel pour les extérieurs avec une belle photographie en Noir et Blanc et de beaux paysages de montagnes, de campagne et de rivière. Les intérieurs se déroulent dans une grande maison de riche propriétaire de style japonais. Les plans sont toujours bien travaillés, cadrages, perspectives et gros plans : une recherche esthétique certaine qui appartient à la qualité des films japonais. C'est un mélodrame qui est conté ici, mais sublimé par une réalisation de haute tenue avec des acteurs excellents. (bémol : la musique espagnol de flamenco jure énormément dans ce film. Pourquoi une telle musique ?) C'est bien le seul point décevant de ce film qui reste très acceptable parce que de facture classique.
S'il reste en retrait par rapport à des cinéastes comme Ozu, Mizogushi ou Naruse, Keisuke Kinoshita occupe néanmoins une place de choix dans le renouveau du cinéma japonais d'après-guerre qui s'interroge sur l'organisation de la société japonaise et par ricochet sur ses implications insidieuses dans la survenue du désastre d'Hiroshima. "Un amour éternel", mélodrame puissant, balaye justement l'ensemble de cette période dénonçant l’impitoyable hiérarchisation des rapports sociaux de types féodaux qui subsiste en 1932 quand Heibei (Tatsuya Nakadai), le fils d’un riche propriétaire terrien, revenu infirme de la guerre peut encore s’arroger de droit et par la force une jeune femme (Sadako interprétée par Hideko Takamine) amoureuse d’un fils de paysan (Takashi interprété par Keiji Sada), lui aussi parti à la guerre en Mandchourie. Keisuke Kinoshita structure son récit (il a écrit lui-même le scénario) autour de ce trio impossible spoiler: lié par un viol qui infectera à jamais la nature de leur relation. Sur trente ans, Kinoshita constate les ravages de cette faute initiale qui se rappelle lancinante à chaque épreuve que traverse le couple contraint formé par Heibei et Sadako et leurs enfants dont le fils aîné né de cet acte barbare . Le mélodrame souvent poignant aux multiples rebondissements et montré dans toute sa cruauté est rythmé par la transformation de la société japonaise symbolisée par les objets ménagers qui meublent la demeure au fil des saisons qui passent. Par la force de son propos « Un amour éternel » se nourrit un peu aux sources d’ « Autant en emporte le vent » (Victor Fleming en 1939), la dimension épique en moins. Soucieux de tous les aspects de son film, allant jusqu’à emprunter au flamenco sa musique d’accompagnement, Kinoshita se montre un remarquable directeur d’acteurs, exploitant au mieux la tristesse infinie du visage expressif d’Hideko Takamine, l’actrice favorite de Mikio Naruse qu’il a déjà dirigée plusieurs fois et la rudesse virile de Tatsuya Nakadai, future grande vedette du film de samouraïs des deux décennies à venir qui trouvera son apogée dans le "Kagemusha" d'Akira Kurosawa en 1980..
En 1931, le fils d'un grand propriétaire terrien réussit à contraindre la fille d'un paysan, amoureuse d'un autre homme, à l'épouser après l'avoir violée. On se doute qu'avec un tel début, ça ne va pas être la fête du slip pour la suite. Et de ce côté-ci, on ne sera pas déçu. On ne sera pas déçu non plus par les acteurs principaux Hideko Takamine et Tatsuya Nakadai, juste deux des plus grands et plus charismatiques comédiens japonais de tous les temps, qui assurent à fond dans la haine mutuelle de leurs personnages. Techniquement, sur le plan de la photo en particulier, c'est très bien maîtrisé. Mais reste que l'ensemble contient quelques longueurs mais cela passerait s'il ne souffrait aussi d'une BO à base de flamenco beaucoup trop omniprésente pour ne pas dire étouffante jusqu'à l'overdose voir même jusqu'au mal de crane. J'ai rarement vu une BO ruiner autant un film, il faut bien l'avouer. Si j'ai beaucoup aimé son mélodrame sobre "Les 24 prunelles", si j'ai pas trop mal aimé son léger et très coloré "Carmen revient au pays", tous les deux aussi avec l'excellente et rayonnante Hideko Takamine, là cette fois je dirais que j'ai pas trop adhéré à ce drame familial de Keisuke Kinoshita. Et pourtant ce n'est pas faute d'avoir essayé.
Le plus de ce film est, à mon sens, la musique flamenco qui donne une dimension toute particulière à ce film dramatique (un peu comme ''Locataires'' de KKD) - Le jeu parfait de Tatsuya Nakadai fixe bien l'ampleur dramatique de l'union forcée mais ce qui est sublime dans ce film spoiler: c'est le pardon. Le pardon rédempteur et qui ouvre des portes sur un avenir possible. C'est très beau, pur et plein d'espoir ! Arigâto !