Ca devait arriver. Après avoir abimé Largo Winch, défiguré Blueberry et massacré Astérix, le cinéma français s’attaque à une autre de ces légendes. Et pas n’importe laquelle, probablement une des moins évidentes à adapter, car basée sur des intrigues marrantes mais un personnage finalement assez lisse. Il fallait probablement un scénario en béton armé et une bonne dose de talent pour réussir l’exploit. Et malheureusement, le James Huth n’a ni l’un, ni l’autre, comme l'avait déjà illustré son Brice de Nice.
Soucieux (à juste titre) de se décaler un peu du modèle original, le scénario invente donc un personnage convoqué par le président des Etats-Unis pour aller remettre de l’ordre à Daisy Town. Un personnage hanté par la mort de ses parents et qui a décidé de se mettre au service de l’ordre et de la justice, quand il n’est pas en pleine phase de réflexion intérieure sur le bien et mal. Exit Lucky Luke, donc, et place à un hasardeux croisement entre Jack Bauer (Yes Mister President), Batman (oh non mes parents sont morts, c’est affreux) et OSS117 (y a que moi qui comprend mes blagues). On vient voir une grosse comédie et on passe un temps interminable dans un ranch de campagne avec Chouchou et Loulou et leurs problèmes existentiels. Voilà pour l'amorce, le reste de l’histoire est inintéressante, ultra-prévisible, et fait défiler de manière totalement artificielle des scènes qui ont pour seules fonction de servir d’écrin aux guest venus s’amuser un peu.
Pour combler cette incroyable vacuité, le réalisateur se met très rapidement en mode Panzer côté mise en scène : effets sonores à répétition, gros plans à gogo, ralentis foireux, la totale. C’est marrant une fois de filmer une étoile de shérif en gros plan qui tombe dans le sable, c’est pas la peine de le faire 200 fois. James Huth a écrit une comédie dramatique limite bibliothèque rose, qu’il filme comme un épisode de Bugs Bunny, dans des décors à la Sergio Leone sous les hurlements de Michael Youn. C’est peu dire que le mélange est profondément indigeste.
Au milieu de ce naufrage, c’est probablement Jean Dujardin qui fait le plus de peine. Complètement paumé, il passe tout le film le cul entre les deux chaises du premier et du second degré, sans jamais arriver à saisir son personnage. Et quand il ne sait plus quoi dire, il lâche un « ouaip » pour lequel on sent qu’il a travaillé pendant plusieurs heures devant le miroir. Seules (maigres) consolations, Melvil Poupaud et Sylvie Testud, évadés de leurs habituels films sérieux pour venir déconner un coup et qui ont l’air se bien se marrer. Et puis ces magnifiques paysages argentins sensés recréer l'Utah, seule note de bon goût du film.
Et même si on ne se pose pas de grandes questions sur les causes d’un tel désastre, le résultat est là : on s’ennuie à mourir. Un comble pour un film de divertissement. Rater une adaptation, ça peut arriver, surtout en BD. Mais commettre une horreur pareille quand on est censé livrer un film fun et grand public est quand même beaucoup plus problématique, et pas très loin du foutage de gueule des spectateurs…. qui ne s’y tromperont pas : au vu du remplissage fort clairsemé de la salle après seulement deux jours d’exploitation, le bouche à oreille semble déjà faire des ravages