Parmi tous les films qu’il a réalisé, « Il ferroviere » (« Le disque rouge » ou « Le cheminot ») était le film préféré de Pietro Germi. Même s’il n’a pas connu la misère, cette œuvre est largement autobiographique (d’ailleurs dédié à sa fille Linda). Interprété par Germi lui même et son éternel cigare aux lèvres, le film montre un homme sensible mais parfois brusque, honnête et souvent brut de fonderie. Un peu le cinéaste en somme, dont les coups de gueules étaient légendaires, mais aussi sa gentillesse et sa proximité, le travail terminé.
Pour faire authentique, Germi et ses co scénaristes n’ont pas hésités à passer des jours dans les bars et restaurants fréquentés par les cheminots, mangeant, buvant et chantant avec eux, pour mieux s’imprégner de ce monde. Ainsi que ce soit dans l’éclatement de cette cellule familiale patriarcale et coercitive (la famille est un des grands thèmes du cinéma italien, qui déborde jusque dans la trilogie « The Godfather » de Francis Ford Coppola) ou dans le conflit social avec l’inutilité syndicale, tout fait vrai. Le cinéaste n’a donc aucun mal pour nous emmener dans son cheminement émotionnel, le ressenti étant préféré à la démonstration, amenant une fracture, partagée avec Federico Fellini, vis à vis du néoréalisme italien de Rossellini qui vit ses dernières années. Et c’est au travers des yeux d’un enfant (comme dans le « Ladri di biciclette » de DeSica), que l’histoire nous est contée, sans fausse morale, ni jugements d’un moment. Une fois de plus, Leonida Barboni livre une pellicule aux contrastes travaillés, dont la virtuosité est soulignée par la musique nostalgique et toujours pertinente de Carlo Rustichelli. Cette technicité est au service d’une direction d’acteur superlative avec une mention particulière pour Luisa Della Noce, la mère, et Saro Urzì, son ami fidèle, dans la vie comme à l’écran. Bien entendu, comme à son habitude, la mise en scène de Germi ne montre aucune scène approximative, ni plan inutile, résutat d’un story board très travaillé. Que ce soit ou non le meilleur film du cinéaste n’a guère d’importance. Ce qui l’est par contre c’est que « Il ferroviere » est un très grand film, plus optimiste qu’il n’y paraît au premier abord.