Cela fait des siècles que l'homme est un loup pour l'homme, des siècles que les hommes se font la guerre, et que celui qui occupe fait subir les pires outrages à celui qui est occupé. En réalisant Redacted, Brian de Palma signe bien malgré lui un aveu d'impuissance, des années après son traumatisant Outrages. En effet, malgré l'indéniable sincérité de sa démarche, on ne peut s'empêcher de la trouver vaine. Les armées de tous les pays du monde sont en majorité constituées de sales cons, frustrés, haineux, abusant de leurs pouvoirs et incapables de remplir leur mission, fut-elle noble. Ce n'est pas un scoop. Les livres d'histoire sont remplis de massacres, pillages, viols et autres violations des droits de l'homme, bien avant que l'appellation existe. La guerre d'Irak est une saloperie, au même titre que celle d'Afghanistan, du Vietnam ou d'Algérie. De Palma ne nous apprend rien, pas davantage qu'Haggis et sa Vallée d'Elah. En revanche, le film soulève de vraies questions, d'ordre cinématographique cette fois. Lorsqu'on décide de relater un fait réel et contemporain, faut-il, sous prétexte que la vérité n'est jamais totalement dite, adopter la forme documentaire ? Ici, le parti pris est clair : entre caméras de surveillance, camescope de soldat, webcams ou pseudo doc français, de Palma s'empare de "l'imagerie du réel" pour asseoir son propos. C'est bien sûr scénarisé, mais la volonté est clairement de nous amener à penser que nous ne regardons plus un film, mais la réalité. Qu'en est-il alors du cinéma ? Qu'en est-il de l'art et de son pouvoir de transformation, capable de nous jeter à la face les plus atroces vérités ? Notons cependant quelques images fortes et l'audace d'un cinéaste américain qui n'a plus rien à prouver, de s'attaquer de front à un sujet brûlant. Malheureusement, tant qu'on ne remettra pas fondalement en cause la manière dont notre monde fonctionne, de telles entreprises resteront stériles.