"Tu peux pas être un peu douce, toi ?": c'est ce que profère un amant occasionnel à une Fred complètement bourrée, qui lance au type qui attend son tour : "Tu vois ? Je suis pas douce..." Douce, ça non, elle ne l'est pas dans les premières scènes du film, et même avec ceux qui ont pourtant un droit imprescriptible à la douceur : les enfants et les malades, puisqu'elle assène à un patient qui vient de perdre sa vessie avec une pointe de sadisme : "Il va falloir que vous vous habituiez à pisser dans une poche !".
Tellement pas douce, tellement dans le désespoir agressif qu'on se dit que ça va être dur de tenir 1 h 30 à ce régime, avec en plus le sentiment de voir Isild Le Besco caricaturer du Isild Le Besco. Les premiers affrontements entre elle et Marco, ainsi que ceux entre le même Marco et sa mère jouée par Lio ne font que confirmer cette inquiétude, d'autant que les explications de cette violence semblent tirées de "J'élève mon ado", collection Pocket Marabout.
Heureusement, le film se recentre sur la relation entre Fred et Marco, dans le huis-clos de la chambre, et la découverte de leur ressemblance qui explique a posteriori pourquoi au moment de se suicider, elle a tiré sur lui. Lui aussi a visé son copain avec son lance-pierre sur une impulsion, manquant d'un centimètre de lui crever l'oeil ; lui aussi a besoin d'avouer sa faute pour pouvoir retrouver la douceur de l'enfance, et c'est en pleurs dans les bras de Fred qu'il arrive à le faire. Comme le souligne Jeanne Waltz, "c'est cette prise de conscience de sa culpabilité par Marco qui aide Fred à faire la sienne".
Là où tous les autres soignants échouent, Fred réussit parce que Marco décèle ces similitudes chez elle ; une collègue de Fred lui fait d'ailleurs cette remarque : "Tu l’as apprivoisé, il manque plus qu’on en trouve un qui t’apprivoise". Mais au fur et à mesure qu'elle retrouve goût à la vie en accomplissant cette rédemption, la proximité qu'elle développe avec Marco rend chaque jour sa culpabilité plus insupportable, et donc inéluctable le moment où elle devra lui avouer que c'est elle qui l'a cloué sur ce lit.
Avec un montage cut en accord avec l'âpreté des personnages, "Pas douce" s'émancipe progressivement des lourdeurs du début pour rendre crédible des situations qui auraient pu tourner au mélodrame, grâce notamment au jeu d'Isild Le Besco qui évolue en même temps que Fred s'adoucit, jusqu'à son sourire final.
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