"Le roi et le clown", dans un élan qui préfigure la liberté du cinéma sud-coréen de demain (même s'il est déjà débarrassé de bien des tabous), pose des questions fondamentales sur les rôles humains, le pouvoir d'une monarchie dans laquelle les délégués sont corrompus, la nature de l'art, ou encore la force d'une amitié traversant les épreuves du temps. Sur une mise en scène très musicale, d'une grandeur exceptionnelle, cette quasi-fresque étonne, épate, et émerveille d'un bout à l'autre ; grâce à une magnifique construction de plans et un magistral jeu d'acteurs (en particulier le roi), cette parabole sur la démence au pouvoir arrive autant à nous faire rêver avec des thèmes forts traités avec consistance (l'amour, l'amitié, la haine), qu'à nous effrayer lors des pulsions folles d'un roi tyrannique qui perd la raison et le contrôle de ses actes. La relation qui se noue entre lui et l'artiste transsexualisé, prostitué, prend d'étonnantes formes, entre sensualité renfermée dans les regards et domination virile dans le corps, un échange permanent et quasiment animal, où les deux se cherchent sans réellement se trouver. Entre temps, l'amitié entre les deux comédiens se désagrège petit à petit, laissant à l'un la possibilité de concrétiser un amour absurde, et à l'autre de souffrir d'un manque d'affection qui déstabilise son art et son humeur. Les conditions humaines sont donc chamboulées et renversées, et malgré une trame prévisible, le réalisateur parvient à insuffler une dose de magie qui nous font oublier la suite logique. Dommage alors que Lee Jun-Ik se perde dans une fin interminable, et que son film soit quelque peu alourdi par une musique trop lourde. "Le roi et le clown" n'est donc pas exempt de défauts (on oubliera rapidement les grosses facilités de raccourcis narratifs et le malaise dans la mise en scène de certains envahissants costumes dans le cadre, ainsi que de petites longueurs), mais sa beauté et sa sincérité en font un bon grand film, épique et intime