Le Tueur est le premier long métrage de Cédric Anger, connu jusqu'ici comme scénariste, pour Xavier Beauvois (Selon Matthieu puis Le Petit lieutenant) et Werner Schroeter (Deux). Il fut également critique aux Cahiers du Cinéma. Avant Le Tueur, il avait signé en 2001, un court métrage, Novela, avec déjà dans le rôle principal Grégoire Colin.
Le cinéaste explique pourquoi il a eu choisi de signer un film de genre, ce qui semble loin de la la tradition qui veut qu'un premier film soit forcément autobiographique : "Moi, j'ai eu une enfance heureuse, assez insouciante, je n'ai rien à "exorciser" de particulier... Pour mon premier film, j'avais envie de faire un film de genre, quelque chose que je connais bien puisque c'est par ça que je suis venu au cinéma comme spectateur. Le grand avantage qu'il y a à utiliser une intrigue de film de genre, c'est que si la situation de base est assez forte et simple, on peut se servir du cinéma et du dialogue d'une façon complètement indépendante de l'intrigue. Donc je l'espère faire un film personnel et sincère à partir d'une histoire qui vous est a priori extérieure."
Cédric Anger a écrit le rôle de Kopas spécialement pour Grégoire Colin. "C'est un acteur assez physique, qui sait parfaitement comment bouger même si pour Le Tueur je lui avais dit d'être un peu comme un somnambule dans ses déplacements, quelqu'un qui traverse l'espace. Le visage de Grégoire a quelque chose de mystérieux, d'opaque, avec des lueurs d'enfances par instants. Parfait pour le Kopas que j'imaginais, un jeune homme qui, hiver comme été, porte le trois-quart en cuir caricatural de l'esthétique du tueur. Mais malgré son allure crapuleuse, ce manteau flotte sur lui. Trop large. Car Kopas n'est pas Frank Costello ni Lucky Luciano. Personne ne fait attention à lui. C'est un M. Personne qui a tenté sa chance un automatique à la main. Ecrire en pensant à Grégoire m'a permis de lui voler des trucs pour composer le personnage : lui aussi est capable d'errer en voiture pendant des heures, de rester attablé à un Tex-Mex dégueulasse, de faire du yoga, etc."
Film d'atmosphère, Le Tueur ne repose pas uniquement sur des scènes d'action, loin de là... "L'idée première du film était de montrer un tueur qui attend", précise le réalisateur. "Qu'est-ce qu'on fait quand on attend de tuer quelqu'un ? L'enjeu du film était de retarder l'action et, à partir du "pacte" passé entre Léo et Kopas montrer comment ce dernier occupe ses journées. Il joue à la console, il bouffe, il drague, il regarde des pornos, il tourne en voiture et erre dans les quartiers est de Paris. L'idée était aussi de sortir du Paris haussmanien et d'être géographiquement exact sur cette partie de la ville qui va de Bercy au Quartier chinois enpassant par Tolbiac. Au-delà des problèmes, du bruit et des confitions de travail parfois difficiles, il y a quelque chose dans cette partie de Paris, une sensation qui imprègne le sujet qu'on traite et qui finit par affecter le comportement de vos personnages. Cette sensation -une sorte de mélancolie- est indéfinissable, mais tous ceux qui vivent dans cette partie de la ville savent de quoi je veux parler."
Pour ce premier film, Cédric Anger a fait appel à une chef-opératrice de renom, Caroline Champetier. Elle a travaillé avec les plus grands auteurs français, de Rivette à Garrel en passant par Doillon, Jacquot, Téchiné ou... Xavier Beauvois. Selon le cinéaste, l'idée était que la lumière "ne soit pas platement naturaliste, mais opère une sorte de mélange de lumière froide et de brillance".
Cédric Anger revient sur la complémentarité des deux comédiens principaux. "Il fallait que les deux deux acteurs aient deux registres opposés. Gilbert Melki est beaucoup plus nerveux, mobile. Il a une lueur de folie dans le regard (...) Il est d'emblée plus expressif. C'était passionnant d'avoir d'un côté un acteur expansif et de l'autre un introverti, et de percuter ces rythmes différents. Il fallait aussi que les deux personnages n'aient pas le même rapport à la ville. Kopas a un rapport horizontal à Paris. Il erre. Sa voiture glisse dans les rues. Léo a un rapport plus vertical au décor urbain. Il monte et descend. Et va peu à peu entraîner Kopas dans son mouvement. Il est aussi plus agité. Mais au fond l'un et l'autre sont liés. Ils font les mêmes gestes, mais pas aux mêmes moments."
Le réalisateur Xavier Beauvois aime faire l'acteur pour des cinéastes-amis. Dans Le Tueur, réalisé par son scénariste Cédric Anger, il joue le rôle de l'associé de Léo. On l'a aussi vu dans les premiers films de deux acteurs qu'il a dirigés, Jalil Lespert (24 mesures) et Roschdy Zem (Mauvaise foi), mais aussi dans Les Témoins de Téchiné (dont il fut jadis l'assistant).
La musique originale, qui occupe une grande place dans Le Tueur, a été composée par Grégoire Hetzel, connu pour son travail avec Arnaud Desplechin et Emmanuel Bourdieu. Pour moi, la musique est inséparable du cinéma", explique le réalisateur. "J'en écoute quand j'écris, quand je pense à mon découpage, quand je monte... Elle est très présente dans le film, plus que d'ordinaire pour un film français. Le cinéma américain a beaucoup plus nous la culture du Score." On entend aussi des morceaux rock d'Elvis Costello et du groupe Devo. Cédric Anger note à propos de ces derniers : Leur façon de reprendre les codes du punk rock pour les rejouer sur le mode post-punk me semblait proche de l'attitude du film vis-à-vis du genre."
Dans un premier temps, le cinéaste avait pensé confier le rôle de Léo à Yvan Attal un acteur qu'on a vu récemment en "proie" dans deux films en forme de chasse à l'homme : Anthony Zimmer et Le Serpent...
A l'origine, le film s'intitulait Le Soldat.
En 1972, Denys de La Patellière réalisait déjà un film intitulé Le Tueur, avec Jean Gabin et un Gérard Depardieu encore inconnu.