Du très beau cinéma, intelligent, fin, pudique, sincère, émouvant, important. Isabelle Huppert est extraordinaire, bouleversante, tissant à nouveau une composition remarquable, loin de la marginalité, de la frustration et de l'extravagance qu'elle affichait dans Ma mère ou La pianiste. Elle insuffle à son personnage une ambivalence étonnante. Tout d'abord distante, froide, elle révèle petit à petit son côté profondément meurtri, une fragilité troublante, et une extrême chaleur humaine. Peu d'actrices sont capables de développer naturellement tant de facettes opposées. N'oublions évidemment pas les seconds rôles unanimement justes, notamment Jean-Hugues Anglade, chaleureux et touchant. Côté scénario, on s'éloigne continuellement des sentiers battus, servi par de nombreuses, originales et judicieuses péripéties. Ce qui est beau à voir et surtout à ressentir est le contraste frappant entre la terne vie parisienne, où tout tourne autour du travail, de l'emploi du temps chargé, de l'argent, des réglementations accablantes, instaurant un quotidien morne et fermé, et le passage à une vie lumineuse, à un espace ouvert et sans limites, à une calme liberté permettant de se retrouver, à la plénitude et l'épanouissement. Je comprends aisément les nombreux spectateurs désarçonnés. Il faut aimer le contemplatif, et une certaine lenteur que j'ai trouvé incroyablement douce et reposante. Une oeuvre profondément belle et humaine qui donne irrésistiblement envie de prendre le large.