S’il y a bien un problème à regarder les films par thématique, c’est que sous couvert de s’ouvrir à tout, on s’offre aux visions étroites de chaque milieu. Et les problèmes du monde arabe sont supposément bien connus au cinéma. D’ailleurs, la France finance le chaos. Enfin, Le Chaos. Et ça fait du bien, pour une fois, de voir tant de professionalisme misé sur une histoire multi-facettes du côté égyptien.
Tout commence sur une émeute, une expression populaire de rage que les réalisateurs ont tôt fait de faire converger sur un personnage, Hatem, une sorte de guignol policier insituable qui a toutes les tares. Toute la ville le souffre et profite de ses services payés en dessus-de-table (car il n’est même plus besoin de se cacher). Il danse d’un pied, comique, sur l’autre, dramatique, au point d’en être crispant, et c’est d’autant plus troublant de le voir sous des airs charmeurs ensuite, lui dont le chantage n’avait pas séduit la femme qui est l’objet de ses œillades.
Et si la conclusion de cette romance unilatérale ne fait aucun doute dès le départ, elle a le mérite de la force et tire son jeu du machiavélisme signé Khaled Saleh. Ce surréalisme d’une méchanceté à la fois horripilante et ridiculisée est un atout mais désempare allègrement. Il faut s’accrocher aux personnages formidablement ancrés dans leur environnement, armés jusqu’aux dents de leur caractère et puissants jusque dans leurs faiblesses.
Ce n’est pas une Égypte geignarde qui nous est donnée à voir. Elle se plaint d’ailleurs si peu qu’elle n’hésite pas à employer des trucs techniques atroces (que ce soit la moto sur fond défilant qui jure énormément, où les pistolets qui ne sont même pas orientés sur la poche de faux sang au moment de la détonation).
C’est une Égypte qui parle, qui vit quoique corrompue, et qui hurle dans un chaos doux à qui veut l’entendre que cette affliction n’est pas elle, qu’elle en souffre en fait. Évitant de nous asséner le fait, l’histoire tourne un peu autour du pot, prenant souvent des airs d’énumération avant de trouver ses marques. On ne sait pas dire si on a vu du Dino Risi ultra-méridional ou du cinéma arabe importé en France.
Entre la parodie de l’état policier et le juste couple formé sans faste, il y a comme une acceptation de la chose pour ce qu’elle est sans enrobage ni résignation. On ne se repose pas sur les lauriers d’un méchant complet, ni sur des interactions vivantes, pas plus que sur un commissariat peut-être un tantinet moins convaincant dans l’inquiétude qui sourdre de ses coins crasseux. Et l’on délivre une fin évidente sans imposer l’émotion forte ; la continuité méritante d’une humeur complexe, parfaitement métaphorisée par la fumée d’encens libérée par une tentative de sortilège : « si ça ne fait rien, ça enlèvera au moins l’odeur de cuisine ! ».
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