A Fantastic’Arts 2007, le film avait trouvé son public. Les réactions l’avaient montré lors de ses différentes projections, les spectateurs étaient avides de ce genre d’Horreur à l’humour décalé. Black Sheep était d’ailleurs reparti du festival en empochant deux Prix, celui du Public, et le Prix Spécial du Jury. Le délire néo-zélandais arrive enfin sur nos écrans, espérons que le bouche à oreille saura compenser le fait qu’il ne dispose que d’une petite cinquantaine de copies pour convaincre à l’échelle nationale.
Il est ici question de mutations génétiques, d’expériences interdites, mais aussi des rapports entre deux frères, qui ont laissé un fossé se creuser entre eux. L’aîné, Angus, a repris l’exploitation de la grande propriété familiale, et s’est tourné vers les nouvelles technologies afin de développer son élevage de moutons. Le cadet, Henry, est un citadin apeuré, que la seule vue de verts pâturages fait trembler. Se trouver face à face avec un mouton est probablement ce qu’il craint le plus au monde, c’est la raison pour laquelle il a décidé de suivre le conseil de sa psychiatre, et de vendre les parts qu’il possède dans l’exploitation familiale à son frère aîné. Ce sera pour lui une manière définitive de ne plus avoir aucun lien avec cette campagne qu’il abhorre. Mais pour réaliser la transaction et la finaliser, il lui faudra cependant se déplacer sur place une dernière fois, car les papiers doivent être signés entre les deux parties.
Henry s’est donc fait une raison, il va devoir rendre une dernière visite à Angus, pour ensuite ne plus jamais entendre parler de cette nature qu’il fuit. Il arrive dans sa campagne natale avec la plus grande appréhension. Un drame familial l’a marqué à jamais, le passé qu’il cherche à oublier sans succès le poursuit toujours. Son personnage, nerveux, timoré, est à l’opposé de celui de son frère. Angus est en effet arrogant, égocentrique, sûr de lui, et s’est créé un monde propre, dans lequel l’argent règne en maître. Un brin apprenti sorcier, il a vite compris ce que la génétique pouvait lui apporter en terme de valorisation de son élevage. Des moutons plus beaux ( !), plus grands, plus résistants et en meilleure santé. Le seul problème, c’est que les expériences vont aller un peu trop loin, et qu’un petit groupe d’écolos téméraires va récupérer le résultat d’une expérience qui a mal tourné, dans le but de dénoncer le trafic en cours. Mais le groupe n’ira pas loin, et égarera le container, déversant son terrible contenu aux alentours du cheptel. Celui-ci ne va pas tarder à être contaminé, les moutons dociles se muant rapidement en monstres sanguinaires.
Alors oui, il est permis de sourire, à l’idée de faire peur avec des moutons. On s’aventurera même à penser au gigantesque lapin garou de Wallace et Gromit, c’est dire si l’on est loin des standards du film d’horreur. Mais passé quelques images, le spectateur constatera qu’il y a du Peter Jackson dans ce film, plus que du Nick Park. Au bout de quelques minutes, le célèbre réalisateur néo-zélandais vient en effet tout naturellement à l’esprit, mais pas celui de la période « Seigneur des Anneaux » ou encore « King Kong », mais celui, bien plus lointain, de « Braindead »(1993) et « Bad Taste » (1987). Que de bons souvenirs, en somme ! Une tendance gore bien affirmée, alliée à d’excellents dialogues (souvent à contre-courant) qui prennent le contre-pied dans les situations de danger.
Jonathan King a le sens de l’équilibre. Le tempo fonctionne bien, entre l’horreur, l’action et l’humour, ce dernier venant toujours à point, jamais trop lourd. Quand le récit s’enfonce dans le sordide, et que les moutons commencent à démontrer ce dont ils sont capables, le metteur en scène évite sans peine le ridicule. Il y a ce décalage permanent entre l’horreur à laquelle on assiste avec la teneur de certains échanges entre les personnages. Celui de la jeune femme écolo, très justement nommée Expérience, est très bien écrit et mis en situation ; il permet à la fois d’atténuer les moments de violence avec des scènes de comédie, tout en les mettant en relief, faisant du film un modèle du genre, comme (seuls ?) les Néo-Zélandais, voire les Britanniques, sont capables d’en créer. Le réalisateur souhaitait faire un clin d’œil aux clichés renvoyant à sa terre natale. Les paysages, immenses et verdoyants, trouvent ici naturellement leur place, supports d’un scénario qui tient la route (pour peu que l’on se place dans le contexte !). Car lorsqu’on atteint le moment où les mutations se propagent aux êtres humains, force est de reconnaître que l’on entre vraiment dans le gore extrême, dans ce qu’il a de plus outrancier.
Premier long-métrage de Jonathan King, Black Sheep est une réelle réussite, pleine de promesses. Son mélange des genre (mais attention, l’humour n’est heureusement pas celui que l’on trouve dans les teenage horror movies !) passe plutôt bien, si l’on considère les réactions qu’il a suscité il y a quatorze mois dans la perle des Vos