Bertrand Tavernier, l'un de nos meilleurs réalisateurs, quitte ses terres natales et s'offre une cure de jouvence : l'adaptation, aux Etats-Unis et en langue anglaise, d'un polar de James Lee Burke, In the Electric Mist with Confederate Dead. Le scénario, qui apparaît vite comme secondaire, est rempli d'archétypes du polar : vieux flic fatigué et sa femme inquiète, crimes en séries sur des prostituées, suite d'interrogatoires, mafieux et call girls, kidnapping d'une gamine... Tavernier, amoureux de cinéma américain, les réutilise avec un plaisir évident, mais les transcende grâce à son style et à ses incursions dans le fantastique mort-vivant. Dans la brume électrique est un ballet de dialogues, nonchalant et désabusé, rempli de vieux sages et d'immondes pourris (savoureux John Goodman, jubilatoire et dégueulasse dans le rôle d'un ponte de la mafia locale), parfois zébré d'éclairs de violence terrassants. Les scènes d'action, gerbes de sang et de coups de feu, sont orchestrés avec brio par un Tavernier reconverti en maître du suspense – comme les romanciers qu'il adapte. Cependant, malgré la noirceur magnifique de son histoire, Dans la brume électrique est un film étonnamment apaisé, calme, au rythme lent et hypnotique. Tavernier manie les ruptures de ton avec élégance. En un plan-séquence sidérant, d'une fluidité et d'une simplicité extraordinaire, il introduit les fantômes des soldats confédérés et plonge son film dans un fantastique naturaliste jamais ridicule : les visions de David Robicheaux (réelles? hallucinées?) permettent le dialogue entre morts et vivants et étoffe la réflexion que mène le film.
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