En mai dernier, les trois films français lancés dans la compétition cannoise ont connu des fortunes diverses : si l’un (“Entre les murs”) a quitté la Croisette palmé, pendant que le second (“Un conte de Noël”) se distinguait par le prix remis à Catherine Deneuve pour l’ensemble de sa carrière, le troisième (“La Frontière l’aube”) est reparti bredouille, après avoir été presqu’unanimement décrit comme le long métrage le plus involontairement drôle de la quinzaine. Titre qui n’est pas vraiment volé, tant le retour aux affaires de Philippe Garrel tourne rapidement au fiasco total, trois ans après le succès de ses “Amants réguliers”, qui avaient notamment valu le César du Meilleur Espoir Masculin à son fils Louis. Récemment vu dans “La Belle personne”, ce dernier trouve au moins une bonne raison de faire la tête (comme dans tous ses films), vu le résultat final, même si les choses commençent bien pour son personnage : chargé de faire un reportage sur une actrice, François tombe en effet sous le charme de son modèle, en même temps que celle-ci tombe dans ses bras. Mais, les histoires d’amour ayant l’habitude de mal finir, doutes et atermoiements viendront faire vaciller le jeune couple. Filmé dans un noir et blanc soigné, le film, déjà pas très agréable, franchit alors la frontière du supportable à coups de dialogues grotesques et lancinants, récités par des acteurs avec une conviction aux abonnés absents, et dont Garrel semble se plaire à ne filmer que les nuques et les profils, avant de verser dans le fantastique à la manière d’un Cocteau du pauvre. Tout comme le soleil qui se lève à l’aube, la lumière qui s’allume dans la salle, apparaît comme un délivrance, au terme de ce calvaire.