Grand, large, immense retour de Jacques Doillon presque cinq ans après "Raja", qui conte, avec son naturalisme habituel, son installation de cadres qui s'échappent les uns des autres et avec un trio d'acteurs impeccable, une simple histoire d'amour qui tourne bien, mal, et les deux à la fois. Filmé crûment, sans effets, loin même d'être embourbé dans une patte particulière côté estéthique, Doillon se démarque de tous les autres grâce justement à sa simplicité impressionnante. Il n'y a que des mouvements fluides qui conduisent trois êtres en mal d'amour, les ramènent au point de départ, les esquisse, les contourne sur le bord de l'eau. Il y a cette pureté émanant de l'absolue necessité de ne rien faire de trop, juste de suivre un récit à priori simple, mais merveilleux parce que, plus que de refléter une plausible histoire amoureuse, il dévoile fraîchement des âmes en proie à la vie de tous les jours, hâppés dans le drame du mal-être ou de la jalousie, qui les condamne à errer, à agir dans le vide, à fuir sans but ni direction. Porté par la "Sérénade ininterrompue" de Debussy, magnifiques perles de clarté mystique, "Le premier venu" nous caresse le ventre, avec humour (quand Costa demande à Camille et au flic de s'embrasser devant lui), ou émotion (les retrouvailles père/fille qui crééent un fossé), mais toujours dans le divin et doux geste humain qui, en embrassant une population diverse (un flic, un paumé, une jeune fille qui semble fraîchement débarquée d'ailleurs), touche au coeur. Et, comme la musique de Debussy, il y a quelquechose de clair ici, comme l'eau d'une montagne qui coule dans un petit fossé de terre, entre des pierres rafraîchies par le vent, qui parcourt l'herbe et se déverse dans la mer pour se mélanger comme ses trois personnages. Costa, premier venu a porter ses lèvres, est au centre du système narratif avec Camille, couple infernal et indécis, voguant mollement sur les mers tempétueuses qui s'acharnent furieusement sur eux. Tout vire au drame à