Le titre du nouveau film de Jacques Doillon prête à en jouer. «Le premier venu» (France, 2007) en vient au premier, revient à la primauté du cinéma. Ce fondement essentiel auquel retourne Doillon n’est autre que la narration, la faculté de raconter des histoires. Du théâtre d’ombre qui inspira Platon au film de Doillon, l’art de la projection s’est essentiellement destiné aux intrigues. Le film se voue au récit pur et simple. Rarement ces deux qualités ont procuré autant de plaisir, nourri autant de satisfaction. Doillon dans la contamporanéité du numérique rappelle le cinéma à sa fonction primale et dillue dans l’esprit du spectateur l’essence du septième art. Dans son respect de l’originel, sa tentative de sourdre de l’usuel le liminaire, Doillon se fait aider de ses acteurs et de leurs personnages. Motivés par le désir de retrouver ce qu’il y avait en premier, les acteurs s’animent d’un jeu naïf, d’un jeu authentique qui évoque la franchise, la base de l’interprétation. Ce n’est pas au naturalisme qu’il s’adonne, non plus au mimétisme, c’est à la création, à la mise en vie ex nihilo d’un personnage. C’est foncièrement des acteurs que le réalisateur met en scène et non des comédiens, la différence des deux étant que les premiers actent, apportent à l’édifice du film, où les seconds «comédient», se griment sous les aspects d’un parangon. Les maladresses de jeu sont les pats entières de comédiens renouveaux, qui ont retrouvé un jeu de base, une interprétation sincère. Les personnages qu’ils incarnent témoignent dans le même temps ce mouvement en arrière, en profondeur. Il s’agit pour chacun de trouver à nouveau la solution de son existence, la but de sa marche. Les déambulations qui font tourner en rond les personnages et qui évoquent des danseurs perdus creusent le chemin du film jusqu’à la solution finale, la réparation des cœurs. Enfin Doillon arrive à ce dont il aspirait depuis son premier film «L’An 01», au degrés 1 du cinéma.