On n'a pas encore tout fait avec le cinéma, faut pas croire! Nous voilà en face d'un objet cinématographique non identifié: le documentaire d'animation. Ari Folman, metteur en scène israélien, se demande pourquoi il n'a aucun souvenir des massacres de Sabra et Chatila, alors que son unité devait y être, en protection des phalangistes. Il consulte un copain psy qu'il réveille en pleine nuit et qui le convainc de faire une enquête - en bon psy il a déjà compris que la mémoire d'Ari a complètement rejeté ces images où lui, juif, se retrouvait du côté des bourreaux. Donc, Ari enquête auprès de ses anciens camarades, d'un grand reporter israélien aussi qui était là. Et c'est ça qu'on nous montre: ces interviews et les images de guerre qui s'y rapportent. Il est juste de dire que Persépolis avait, l'an dernier, ouvert la voie vers ce nouveau cinéma, avec de plus un graphisme original et une superbe exploitation du noir et blanc. Ici, l'animation est assez rudimentaire, le graphisme est plus classique -on n'est pas loin de Charlier, mais il y a une utilisation de la couleur absolument inouïe, en particulier une lumière jaune d'or, irréelle, qui souvent s'oppose au gris plomb. Ne surtout pas rater le générique, le cauchemar d'un camarade qui se voit poursuivi par 26 chiens aux yeux jaunes, terrifiants -les 26 chiens qu'il a du abattre au cours de sa vie militaire.
Et, lorsque Ari retrouve enfin sa mémoire évanouie, les images dessinées : femmes en pleurs, enfants morts sous les décombres sont lentement remplacées par des images filmées, des photos d'archive, des accumulations de corps torturés sur lesquelles se clôt le film. C'est d'une force implacable qu'aucun vrai docu ne peut avoir. Alors, quand on se dit que cette oeuvre est repartie de Cannes les mains vides (au profit d'un film certainement intéressant mais qu'on pressent démago et complaisant), on se demande, où il avait la tête, le Penn??