Valse avec Bachir est un film formidablement réussi sur le déni, et à ce sujet, son concept original est d'une pertinence totale. Ari Folman rassemble deux choses plutôt éloignées l'une de l'autre, le genre documentaire et l'animation. Soit d'une part le cinéma du réel, et d'autre part, quelque chose qui semble aux antipodes puisque l'art de l'animation n'est pas le plus apte à retranscrire le réel, surtout quand il s'agit de dépeindre des situations aussi graves que celles que peut provoquer un contexte historique aussi lourd que celui du film. Il y a un sentiment étrange quand on découvre les images du film et leur splendeur visuelle, un questionnement quant à l'esthétique si particulière de l'oeuvre, dont on se dit qu'elle est incompatible avec un tel sujet. Mais, comme dit plus haut, la forme plastique de Valse avec Bachir ne fait que s'accorder à son fond, puisque ce sentiment de ne pas voir du réel n'est qu'un écho à l'état d'esprit de Folman, qui lui non plus ne peut voir ce qu'il s'est vraiment passé quelques années auparavant. Il faudra une longue quête personnelle, à la fois ouverte et fermée, portée vers les autres et introspective, pour parvenir à accepter la réalité des faits, retrouver la mémoire et faire retrouver aux images un aspect plus réaliste. La fin apparaît alors comme la consécration, la catharsis après la souffrance provoquée par l'oubli et la lutte pour la vérité. L'animation apparaît donc comme une espèce de trou noir, l'arbre qui cache la forêt aux douleurs qu'il faut néanmoins retrouver pour - grâce au passé - pouvoir repartir de l'avant.
Une des forces du film, c'est, en partant d'un point de vue individuel, d'arriver à dresser un portrait général de soldats. On pourrait penser Folman égocentrique, mais le paradoxe se situe dans le fait que le film parle beaucoup de lui à partir du témoignage des autres. Valse apparaît alors comme une sorte de mea culpa collectif, l'aveu que la guerre n'aura servi à rien. Et le film n'assène jamais trop fort ce message, il passe par des voies bien plus subtiles comme le simple fait d'accorder une parole directe à d'anciens appelés. Il émane de plus une certaine sagesse du film, un sentiment calme qui semble né d'une volonté de laisser la violence et la fureur loin du présent, à un temps que plus jamais il ne faudra revivre. La grandiose musique originale du film va d'ailleurs dans ce sens, distillant une sérénité qui participe du mouvement pacifique de l'oeuvre. Malgré sa courte durée, on peut néanmoins reprocher au film de parfois s'étirer un peu en longueurs, de ne pas se renouveler suffisament sur la fin. Mais c'est très peu au regard des nombreuses qualités du film et de sa nécessaire et admirable volonté de paix, dont la finesse avec laquelle elle est proposée est aussi louable que le message en lui-même