Depuis quelques années, Hollywood semble souffrir d’une terrible panne d’inspiration et, explosion des budgets oblige, se réfugie de plus en plus dans ce qu’elle croit être des valeurs sûres avec un public pré-constitué. C’est, ainsi, qu’on se retrouve avec des adaptations de comics à foison, des adaptations de livres pour ado en pagaille et des suites et/ou remakes des films cultes. Et, dans cette dernière catégorie, la réussite artistique fait souvent défaut. C’est, donc, peu dire que la mise en chantier du quatrième volet de "Mad Max" (qui a, longtemps, fait figure d’arlésienne) avait de quoi laisser pantois… surtout au vu des ses innombrables problèmes de production et sa sortie repoussée de près de deux années après le tournage. Ce serait oublier un peu vite que Hollywood est, également, capable de faire d’invraisemblables miracles. Et il a bien fallu une intervention divine pour que ce "Mad Max : Fury Road", malgré toutes ses casseroles et sans Mel Gibson, se transforme en l’une des sensations ciné de l’année (avec présentation à Cannes de surcroît) ! Je restais quand même méfiant vis-à-vis d’un film qui semblait valoir davantage par ses prouesses visuelles que par son intrigue. Les réactions des spectateurs sont, d’ailleurs, assez tranchées, certains criant au génie alors que d’autres hurlent contre une coquille clinquante mais vide. Et, après visionnage, je ne crie pas forcément au génie mais j’avoue me ranger plutôt du côté des fans. Car, "Mad Max : Fury Road" fait mieux que renouer avec l’esprit de "Mad Max 2" (le meilleur épisode de la saga avec son incroyable poursuite finale) et bouscule tous les codes du genre avec une mise en scène tout simplement démentielle. J’ai rarement vécu une expérience cinématographique aussi intense sur un plan visuel. George Miller se rappelle, ainsi, à notre bon souvenir (lui qui avait imposé Max comme un des plus grands anti-héros du 7art… avant de s’intéresser aux cochons qui parlent dans "Babe" et aux pingouins qui chantent dans "Happy Feet" !) et nous en fout plein les yeux. Le jusqu’au-boutisme de "Mad Max : Fury Road" est, d’ailleurs, terriblement rafraîchissant puisque le film n’a pas peur de se résumer à une simple (mais énorme) course-poursuite de 2 heures (ce qui est une réalité, l’intrigue n’étant pas plus compliquée que ça)… et consacre toute son énergie à magnifier cette course-poursuite, à grands coups de BO monstrueusement rock (Junkie XL est à la baguette… et le musicien iOTA campe un guitariste à lance-flamme génialement invraisemblable), de photo aux couleurs chaudes sublimissimes, d’ambiance crasseuse à souhait, de personnages au look plus flippant les uns que les autres et de séquences dantesques
(voir notamment la menace régulière des hordes qui approchent ou encore la traversée de la tempête de sable).
Miller n’entend, ainsi, pas faire oublier que son scénario n’est pas d’une grande densité, il le revendique comme "victime collatérale" d’un spectacle ébouriffant de fun. Idem pour les personnages, dont le look a été bien plus travaillé que les motivations ou l’évolution
(on a droit au héros qui fuit son passé, à la traîtresse en quête de rédemption ou encore à l’illuminé embrigadé qui va se révéler)
et qui, de ce fait s’intègre parfaitement à l’enfer ambiant sans prendre le pas sur l’essence même du film, à savoir ses multiples courses-poursuites. A ce titre, malgré l’incursion d’effets spéciaux numériques (pas forcément indispensables) qui font perdre un peu du charme old school (et terriblement réalistes) des cascades, il faut bien admettre que Miller a mis le paquet pour nous scotcher sur nos fauteuils avec un nombre de poursuivants impressionnants, des engins motorisés en tout genre tout simplement incroyables, des attaques de toute nature franchement énormes (ah les balanciers !)… le tout sur un rythme frénétique, renforcé par un nombre d’image par seconde modifié pour un rendu plus saccadé et haletant. Le spectacle est, donc, grandiose… mais il me parait un peu injuste de n’accorder aucun crédit au scénario et au casting. L’histoire a beau être simple, elle se permet, néanmoins, de creuser certains sillons inédits dans la sage, à commencer par l’aspect terriblement sectaire de la cité dirigée par le méchant Immortan Joe et son mode de fonctionnement,
(l’élevage de War Boys, leur croyances religieuses, le rôle des pondeuses, le rationnement de l’eau…)
qui trouvent des échos évident dans notre société actuelle. Quant au casting, il réserve quelques contre-emplois intéressants (Charlize Theron en Imperator rasée et amputée, Nicholas Hoult incroyable en War Boy zélé, Josh Helman formidablement sadique…) et d’incroyables gueules de cinéma (Nathan Jones en fils débile, Richard Carter en Meunier cinglé mais surtout Hugh Keays-Byrne qui officiait comme fumier en chef dans le premier "Mad Max" et qui s’offre un retour inattendu avec ce nouveau rôle de salopard qui s’avère être le meilleur méchant de la saga). Paradoxalement, le seul défaut du film est peut-être… le personnage de Max ! Certes, faire oublier Mel Gibson (qui malheureusement, n’apparaît même pas en cameo), qui était fantastique dans ce rôle qui l’a révélé, n,’était pas forcément chose aisée. Est-ce pour cela que Tom Hardy a choisi de l’interpréter de façon aussi stoïque (là où Mel Gibson lui conférait un charme indéniable) et que George Miller a bridé le personnage au point d’en faire presque un second rôle, derrière l’Imperator Furiosa campée par Charlize Theron. C’est possible mais, dans ce cas, il ne fallait pas appelé le film "Mad Max" ! Le personnage manque, ainsi, clairement de consistance, pour ne pas dire d’intérêt… et j’aime à croire qu’un peu plus d’écriture (ou de jeu) n’aurait pas forcément nuit au film. L’éclatante réussite visuelle de "Mad Max : Fury Road" qui dispute le titre de meilleur épisode de la saga à "Mad Max 2") permet de se consoler largement de ce défaut… mais ne le fait pas oublier pour autant. Ce sera sans doute le point à corriger si, d’aventures, des suites devaient voir le jour…