Poétique et désespéré, superbement mis en scène par Marcel Carné, ce film tourné tout en flashback se révèle d'une modernité et d'une beauté absolues. Les dialogues signés Jacques Prévert sont délicieux et révèlent de nombreuses pépites. Et les interprétations de Jean Gabin, Arletty, Jules Berry et Jacqueline Laurent, sont simplement géniales.
Un homme en tue un autre, puis se retranche dans son appartement, seul face à la "maison Poulaga" entière qui veut sa peau. Une femme est probablement la cause de ce fait divers, mais on en sait d'abord rien. C'est là que Marcel Carné intervient, avec sa force pour s'approprier les récits qu'il compose avec Jacques Prévert, entre autres. Il nous démontre comment utiliser, de façon superbe et sans en abuser, les fondus enchaînés qui viennent peu à peu nous révéler la raison de cet acte. On apprend alors que les deux hommes ne se disputaient pas une, mais 2 femmes ! Un quatuor sublime ( Jules Berry, délicieusement détestable, Arletty et son accent singulier, Gabin déjà au sommet... ) qui mène ce classique du "réalisme poétique" avec grâce vers une résolution qu'on oublie pas de si vite. De flashback en flashback, la lumière se fait peu à peu, mais c'est quand on regarde devant soi qu'on s'aperçoit que la société, elle, chavire dangereusement autour d'un précipice qui semble inévitable...
Peut-on se fourvoyer en qualifiant "Le jour se lève" de grand film français ? Je crois que non, au vu des immenses qualités que recèle le film. Que ce soit au niveau de l'histoire, dramatique et poignante, de la forme, disposant d'une photographie magnifique, ou des personnages exceptionnels aux dialogues signés Jacques Prévert, ce classique demeure encore aujourd'hui un modèle du genre. Comparé aux standards hollywoodiens et français de l'avant-guerre ou même de ceux qui le suivront, le jeu des comédiens est impressionnant de retenue, de sous-entendus, de non-dits et de regards qui en disent long. Cela a été rendu par le casting de luxe que se paye Marcel Carné : Jean Gabin (magistral il n'y a pas d'autre terme), Jules Berry (ambivalent comme jamais), Arletty (déchirante de sincérité) et Jacqueline Laurent (fragile et douce comme la rosée du matin). Par ailleurs, les éclairages sombres et mélancoliques donnent une dimension presque lyrique à cette tragédie moderne, renforcés par des flashbacks intelligents et bien placés. A ce titre la situation finale reste un cas d'école et conclut de manière grandiose un film qui, pour longtemps, restera dans les mémoires de ceux qui l'on vu. Je pourrai encore parler de ce film pendant un certain temps mais vous avez compris l'essentiel : nous sommes en présence d'un très bon film...
Derrière une porte d’appartement, on entend une dispute entre deux hommes, un coup de feu. L’un des deux sort toucher par balle et s’écroule mort. Qu’a provoqué cette altercation mortelle entre les deux hommes ? C’est un drame amoureux qui a conduit à ce dénouement ; Carné va remonter dans le passé afin de nous permettre de comprendre. Pour cela il va s’appuyer sur un procédé novateur pour l’époque: trois flash-back. Tellement neuf que dans la version initiale, des panneaux indiquaient le retour en arrière. Carné alterne astucieusement grâce à cela le présent d’un homme cerné, traqué dans sa chambre telle une prison d’où aucune issue ne semble permise et le passé avec la naissance d’une passion amoureuse impossible. Pour porter le rôle du meurtrier terré chez lui comme une bête fauve ; Gabin, occupant l’espace comme Brando bien plus tard ; tranchant avec le Gabin des flash back, amoureux et charmeur. Berry est sublime en salaud manipulateur cruel et diabolique ; le spectateur n’aura aucune compassion sur son sort tout comme dans « Le crime de Monsieur Lange » ; abonné qu’il est aux rôles de véreux. Arletty égale à elle-même avec sa gouaille parisienne et dans un des premiers plans de nu au cinéma ; sa sortie de douche sera même censuré par Vichy et ne réapparaitra même pas dans la version restaurée. Carné aurait dit que la scène avait été filmé à son insu. Trauner aux décors reconstitue de fond en comble une cour, un quartier, une usine de manière magnifique ; un décor hors paire dans lequel la caméra peut virevolter sans cesse. Même la chambre de Gabin possède ses 4 murs contre 3 habituellement dans un décor de ciné et ceci permet bien d’accentuer la sensation d’oppression du condamné à mort dans sa souricière. Et puis Prévert, incontournable dans les chefs d’œuvre d’époque met des mots sur le scénario de Viot comme personne ; hyper poétique, on aurait des difficultés à extraire une seule réplique du film tellement l’écriture est riche. Chef d’œuvre du réalisme poétique avec une seule restriction : un scénario au contenu légèrement pauvre et un peu lent.
Quand on pense à Marcel Carné on pense surtout à "Le quai des brumes", "Les enfants du paradis" ou encore "Hôtel du nord", pourtant à titre personnel ce film est le summum de la carrière du réalisateur parisien. Tout d'abord Gabin est encore plus magistral que d'habitude, Arletty tout en retenue et en gouaille, et surtout Jules Berry incroyable dans un rôle particulièrement dur et peu glorieux, on ajoute à cela les décors somptueux d'Alexandre Trauner et le déroulé de l'histoire en flashback et on obtient une pépite absolue et certainement un des plus grands films de l'avant-guerre.
L'ambiance est pesante et l'intrigue superbement menée nous font comprendre pourquoi François s'est mué en assassin. Jean Gabin retrouvera d'ailleurs Arletty et de nouveau Carné 15 ans après pour "L'air de Paris" certes moins mémorable mais néanmoins tout aussi intéressant et réussi.
J ai beaucoup aimé, le film démarrant sur un assassinat, il va se développer autour de flashbacks pour expliquer ce qui en a conduit à ce meurtre. La version restaurée que j ai vu offre un noir et blanc magnifique notamment le superbe plan ou Gabin est derrière sa fenêtre qui vient d être criblée de balle. Le film donne un sentiment d inéluctabilité renforcé par le fait que la scène d ouverture annonce clairement comment cela va finir et pourtant le film offre pas mal de surprises. Le chassé croisé amoureux entre les quartes personnages principaux est parfaitement mené entre un Gabin torturé, Arletty désabusée, Jacqueline Laurent ingénue et Jules Berry manipulateur. Les dialogues sont excellents notamment le monologue de Gabin hurlant sur la foule à sa fenêtre qui est un des grands moments de ce très beau film.
Le Jour Se Lève est un très bon film. Un vrai petit chef d'œuvre avec ce classique du cinéma français d'alors car il faut le replacer dans son contexte, ici en 1939 alors à l'aube de la guerre. Un film superbement maîtrisé qui allie parfaitement les genres du drame et de la romance et qui appartient au réalisme poétique. Avis personnel, je ne trouve pas que le film est tant vieilli que ça et de plus la remasterisation faite à son égard est superbe. Le film démarre fort puisque l'histoire nous montre un crime, assassinat commis par le personnage principal François qui barricadé et encerclé par la police, se remémore alors par le biais d'un long flash-back, toute l'histoire qui l'a conduit au drame. Donc oui le métrage est superbe, de par sa maîtrise surtout pour l'époque, de sa mise en scène, de sa très bonne réalisation et surtout de par son procédé de flash-back ici maîtrisé à la perfection qui constitue l'un des premiers films à l'avoir utiliser. Le film n'est certes pas passionnant de bout en bout, il l'est presque, mais qu'importe le métrage est réussi surtout de par ses dialogues percutants. L'ambiance avec ses beaux plans dans la pénombre, la musique bien que pas grandement présente reste bonne ainsi que le réalisme qui s'en extirpe, tout est là pour nous servir un grand moment de cinéma de l'époque. Composé d'un superbe casting où l'éternel et excellent Jean Gabin excelle une fois encore dans un rôle aux multiples facettes qui lui sied à ravir rendant ses dialogues encore plus percutants qu'ils ne le sont déjà, Jules Berry excellent, Arletty bien, la jolie Jacqueline Laurent excellente, Jacques Baumer bien, Bernard Blier dans un de ses premiers rôles très bien. Un classique du cinéma français à voir, car même si l'histoire et le rythme du film nous laisse parfois quelques blancs, est sauvé de par sa grande maîtrise technique et même scénaristique. Un petit chef d'œuvre. Ma note : 8.5/10 !
Superbe film mené par un Gabin formidable. On a un film qui commence par la fin et qui finit par le début (qui est la fin bien sûr). L'histoire est très belle et le cinéma français de cette époque a une touche incomparable.
Je suis un peu déçu, je voulais voir un super film, un chef d'oeuvre... Et j'ai eu un film qui a certes ses bons moments et qui n'est pas mauvais, mais qui est incroyablement long et assez froid... Si je veux voir ce film c'est avant tout pour être ému, pour être transporté... Mais là, rien à faire... J'ai trouvé ça bien trop prévisible, alors pas que ça soit forcément péjoratif, le côté fatum peut renforcer le tragique d'une tragédie lorsque c'est bien fait... Sauf que là, je m'en fous... Je m'en fous totalement... en fait si le début du film est vraiment pas mal, avec le début de relation entre Gabin et la fille... je pense que faire de cette romance une sorte de carré amoureux... ça tue tout... Parce que du coup on ne développe plus la relation, je n'y crois plus... Je ne peux pas comprendre l'acte final...
C'est dommage.
Du coup j'ai regardé le film sans déplaisir, mais j'en attendais beaucoup plus. Certes, c'est très bien dialogué par Prévert, une mention spéciale pour la première phrase du film "tu vas la taire ta gueule" et on retrouve la justesse habituelle de ses dialogues, pas de soucis à ce niveau là (bien qu'il ait fait mieux). Mais comme dit, je ne peux pas rentrer dans le tragique de l'histoire, même si j'aime bien le personnage de Gabin, car Françoise est un perso peu développé... Du coup même si le film paraît bien long pour la petite heure trente qu'il dure... il aurait mérité d'être plus long, plus développé, afin de réussir à raconter cette histoire et la rendre poignante...
Bref, c'est pas nul, mais ça ne me parle vraiment pas...
"Est-ce que j'ai une gueule à faire l'amour à des souvenirs ?". La réplique d'Arletty détonne dans ce film au sommet du réalisme poétique, ou comme Marcel Carné l'aurait dit lui même du "fantastique social", et y a , à la fois,toute sa place. Personnage fantastique, elle incarne le réalisme qui cache une tendresse. La tendresse c'est Jean Gabin, qui en ours bien léché, ne peut plus supporter la pression psychologique d'un autre homme qui est incompréhensible pour lui, un orphelin qui se tue au travail, amoureux d'une autre fille de "l'assistance", la jeune Françoise, courtisée par cet autre homme, interprétée par la compagne de Prévert, auteur du scénario. Elle est, au passage, un cran en dessous des autres acteurs. Le film fustige en douceur le travail, bourreau des ouvriers, les beaux messieurs qui tuent avec l'ego et le temps, égratigne la police est ses lourdeurs (à tel point qu'une scène avait été coupée par le régime de Vichy) et nous montre la beauté de la loyauté et des amitiés prolétaires. Une histoire au procédé en avance sur son temps car le film se permet des digressions appelées plus tard "flash-backs". Le dernier plan justifie à lui seul de voir le film.
C'est après son visionnage de Drole de Drame (1937) que Jean Gabin veut travailler avec le duo Marcel Carné-Jacques Prévert. Pour leur première collaboration ils signent tous ensemble un beau succès qu'est "Le Quai des Brumes" mais avec "Le Jour Se Lève" un an plus tard (1939 donc) l'accueil est plus réservé. Quelque mois plus tard il est interdit aux moins de 16 ans car il est jugé démoralisant en temps de guerre et en 1940 Vichy sort les ciseaux en supprimant quelques scènes et notamment le fameux plan ou l'on retrouve Arléty nue sous la douche. En 2014 le film ressort en version restaurée, les plans manquants ont été retrouvés, l'image rendue en 4K. "Le Jour Se Lève" se fait donc une réputation de film maudit comme en témoigne son exploitation très limitée après guerre. Pour le voir c'était en VHS avant un DVD dans les années 2000. Mais coup de miracle le film se retrouve en reprise pour ressortir cette année en Blu-Ray dans le meilleur format possible avec en prime une rediffusion au cinéma. Et c'est l'occasion de voir à qu'elle point ce film est marquant pour son époque, il est un des premier à utiliser les flashback, il réutilise deux fois une même scène en commençant par son final (comme le fera Rashomon après lui), ce procédé était tellement expérimental à l'époque que dès le début du film un mot nous précise bien que nous allons faire un voyage temporel. Le film a surtout une superbe dimension sociale, Gabin fait figure de héros, seul contre tous comme le dit le commissaire dans le film. Il est cloitré dans une chambre au dernier étage, regardant quelque chose que l'on ne vois pas, mais ce qui offre au film ce charme bouleversant c'est surtout son plan final, hautement symbolique. Mais plus que l'image négative que le film envoie à la police c'est sans doute l'allusion au communisme qui aura poussé Vichy à le censurer. Mais aujourd'hui "Le Jour Se Lève" est à sa place, comme quoi l'idéologie ne pourra jamais vaincre l'art, il est au rang qu'il mérite, celui de classique.
Il était un temps où le prolétaire pouvait être un héros, où la fumée de la locomotive à vapeur pouvait faire rêver. On ne parlait pas de pic de pollution. La gouaille de Gabin est savoureuse, il tutoie tout un chacun et une chacune. Jules Berry en être trouble est également magnifique. Les femmes, quant à elles sont amoureuses, vulnérables, offertes. D'un côté l'ouvrier, fier de son travail, de l'autre l'artiste de cabaret vieillisant, mais qui exerce son attractivité sur les femmes, parce qu'il est beau parleur et les fait rêver. Le film est en noir et blanc, un peu comme l'histoire et les personnages selon une logique binaire des bons et des méchants. Gabin incarne l'être entier, Berry, celui qui détourne l'ambivalence pour prétendre que les êtres sont troubles et en particulier les femmes. Ce débat se terminera tragiquement. C'est le début du film: on entend ce qui se passe derrière la porte, il nous faudra attendre la fin du film pour voir cette scène...
Une pièce de musée dans l’histoire du cinéma français. L’un des tout premiers nus (Arletty), l’utilisation de nombreux flash-back (peu courants à l’époque), la seconde collaboration Prévert-Carné, et un Gabin qui incarne à lui seul la fin du front populaire et l’avènement de la seconde guerre mondiale. Dans les décors de Trauner, toujours aussi magnifiques pour un Noir et Blanc d’atmosphère, « Le Jour se lève » est inscrit à jamais dans l’histoire du cinéma européen. Autour d’un drame passionnel que les auteurs des années trente ne justifiaient que par l’ardeur des sentiments et la bassesse humaine. Il faut alors découvrir le jeu d’acteur d’un Jules Berry, ignoble et souriant. Si le temps à fait son œuvre (technique et mise en scène, rien à voir), le film résiste à travers des marques indélébiles. Les dialogues par exemple « Est-ce que j’ai une gueule à faire l’amour avec des souvenirs ? ». Si vous n’avez jamais entendu Arletty…
Avis bonus La technique de la restauration et un très long, très bon documentaire sur le film , son environnement, son époque... Pour en savoir plus