Plusieurs juges sont assassinés ; l’inspecteur Rogas a la conviction que le meurtrier est un justiciable injustement condamné, mais sa hiérarchie pense que les crimes sont dus aux groupuscules gauchistes qui s’agitent dans le pays.
Le roman de Sciascia dont est tiré le film n’est pas l’un de ses meilleurs. Il manque d’unité de ton, d’action, et se perd en digressions pseudo philosophiques. Rosi gomme le ton badin qui imprègne la première partie, et tire le scénario vers l’analyse politique italienne du moment, tout en restant fidèle à la trame et même aux dialogues du livre. L’œuvre qui en résulte est surprenante, et peut se voir soit comme un film policier, soit comme film politique.
Concernant le premier aspect, Rosi campe avec bonheur un personnage solitaire, Rogas (Lino Ventura), qui au fil de son enquête en vient à douter de sa hiérarchie. La progression du suspens est bien menée, les scènes de foule, de réception ou d’interrogatoires de gauchistes ont un aspect Fellinien roboratif.
Concernant le second aspect, Rosi jette un regard cruel sur un monde politique cynique, pour lequel la notion d’allié objectif, chère aux communistes, prend tout son sens. Une caste qui cherche à créer le soulèvement populaire pour justifier une prise de pouvoir par l’armée.
A l’actif du film une intéressante recherche formelle, un climat crépusculaire et plusieurs scènes remarquables, dont celle d’ouverture, tournée pour partie dans les catacombes de Palerme, et la scène finale tournée sans dialogues dans le musée.
A son passif un rythme trop lent du à des prises de vues inutiles, et une certaine dispersion du propos, venant elle du roman.
Malgré ces réserves, un film tout à fait intéressant, et très révélateur d’une époque où, comme le dit le responsable du PCI, paraphrasant Trotski, la vérité n’est pas toujours révolutionnaire.