Un film sur la violence banalisée, celle qui martyrise les plus démunis, les plus faibles, les plus fragiles : les animaux, les femmes, les peuples… Dans son lent et pessimiste ouvrage Haggis utilise la trame d’une enquête policière, somme toute assez classique, pour mettre en relief la prise de conscience d’un père. Et si la trame romanesque du film est assez simple la forme, elle, relève du vrai génie de son réalisateur : images urbaines banales tristes et vides, utilisation d’indices triviaux, sordides pour faire surgir des bribes de vérité (images détériorées du téléphone portable, boîtes de nuit, etc.)… Pas de scènes de violence directes mais le résultat abominable de celles-ci (corps démembré, calciné, visage du suicidé, scène de la baignoire)… Au travers du visage apparemment impassible de Tommy Lee Jones (remarquable !) Haggis installe l’évolution mentale du père, sa montée vers la clairvoyance : les plans se font progressivement plus contrastés, les rides de l’acteur sont de plus en plus marquées… Et l’on passe du drapeau lisse clinquant à celui déchiré et renversé flottant comme une épave dans un ciel livide ! Les « valeurs » d’une Amérique impériale certaine de son bon-droit, patriotisme (expression de celui-ci à l’étranger), morale, religion, famille est relativisé, déchiqueté, calciné… Et l’on constate que ces « concepts », si nobles soient-ils, deviennent entre les mains des collectivités (armée, polices…) des armes pour contraindre, forcer, détruire … Haggis fait ici le procès, en somme très libertaire, du groupe, expression atrocement réductive de l’individu, de l’Humain. Le problème de l’occupation américaine en Irak est ici intelligemment détourné : la guerre n’est pas le fait des individus mais de la collectivité à travers ses valeurs (qui sont toujours transgressées). D’un côté comme de l’autre les hommes ne sont que les rouages du nombre…
Et voici des adolescents, plutôt gentils, transformés par le groupe en monstres sanguinaires…