Le mot " Itchkéri " désignait la Tchétchénie avant la colonisation du Caucase par les tsars à la fin du 18 ème siècle. C'est aussi de nos jours l'appelation de la Tchétchénie par les indépendantiste. "Kent" en langue tchétchène désigne le jeune homme valeureux, prêt à se sacrfier pour la liberté de son pays. Le titre Itchkéri Kenti siginifie donc "Les fils de l'Itchkérie".
Deux guerres sanglantes et destructrices éclatèrent entre la Russie et la Tchétchénie, de 1994 à 1995, et de 1999 à 2000. Après la déclaration d'indépendance de la république tchétchène d'Itchkérie par le président Djokhar Doudaïev en 1991, la Russie proteste et juge cette auto-proclamation illégale. Le 11 décembre 1994, la première guerre éclate. Les troupes russes entrent en Tchétchénie. C'est la plus grande opération militaire organisée par Moscou depuis son intervention en Afghanistan en 1979. Puis en septembre 1999, prétextant des attentats survenus à Moscou au mois d'août, l'armée russe pénètre en Tchétchénie. C'est le début de la seconde guerre.
Itchkéri Kenti est un précieux documentaire, un hommage à la mémoire du peuple tchétchène lorsque nous savons que les pouvoirs russes veulent minimiser les conséquences de cette guerre en la réduisant à une vulgaire "opération antiterroristes contre une poignée de bandits". Ainsi le travail de Florent Marcie vient apporter sa contribution aux témoignages des journalistes et des organisations humanitaires en Tchétchénie, s'opposant aux pouvoirs russes qui veulent faire une guerre sans archive et sans images.
Muni de deux appareils photographiques, d'une caméra amateur et d'une toile blanche qu'il fait peindre au fil de son voyage par ses hôtes, c'est ainsi que le réalisateur s'est lancé à la rencontre du peuple tchétchène. Ne parlant pas un mot de russe, Florent Marcie a réussi à recueillir des témoignages des combattants indépendantistes, des villageois, d'un médecin humanitaire, d'Aslan Maskhadov le président des indépendantistes tchétchènes, et de son commandant Shamyl Bassaïev, ainsi que des hommes et des femmes convaincus de leur droit à la liberté.
Avant même la projection de Itchkéri Kenti, le sujet du film avait déjà attiré l'attention d'un jeune entrepreneur russe de séjour à Paris. Ainsi, Florent Macie lui montra, une séquence dans laquelle plusieurs centaines de villageois Tchétchènes participaient à une manifestation indépendantiste dans les décombres de Grozny. Bouleversé, l'intéressé confia que de telles images n'existaient pas en Russie et qu'il faudrait les diffuser à Moscou, une fois le film terminé. Son documentaire succita aussi l'intérêt d'un groupe de réflexion d'Angers, rassemblant médecins, psychanalystes, psychiatres, travailleurs sociaux et professeurs d'université. Séduits par le projet, ils ont demandé à ce que le film soit diffusé à un plus large public. Signalons que Angers, comme d'autres villes en France et en Europe accueille une trentaine de familles tchétchènes en exil.
De bouche à oreille et sans aucune autre publicité, la première projection de presse a été un véritable succés. Se déroulant au cinéma Les 400 coups à Angers en décembre 2005, le documentaire a été diffusé dans sa version quasi définitive sous titré en français et en russe. Bouleversés et émus par le film, le public tchétchène et français ont demandé à ce que le film soit reprogrammé un mois plus tard et diffuser au cinéma. Très sollicité, Itchkéri Kenti, a été présenté lors de quelques séances spéciales à Vilnius, Varsovie, Nantes (à l'initiative d'Amnesty International), en Algérie ou encore à Bruxelles, dans l'enceinte du Parlement Européen.
Débutant dans le photojournalisme en 1989, Florent Macie se distingue par sa pratique documentariste indépendante. Il produit, tourne et monte lui-même ses films. Il signe en 1995, le documentaire La tribu du tunnel, puis Saïa, un essai filmique sur l'Afghanistan en 2000. Florent Macie collabore également pour la radio et les médias institutionnels ainsi qu'à la rédaction de Autopsia, un essai sur l'information.
A la suite des deux guerres subies par la Tchétchénie, on compte environ 200 000 tchétchènes qui vivent aujourd'hui en exil, coupés de leurs racines. On estime qu'il y a eu entre 160 000 à 300 000 morts sur la population d'un million d'habitants. Quant aux blessés, ils représentent au moins le double du nombre de morts.