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    Go Go Tales
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    cristal
    cristal

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    4,0
    Publiée le 8 février 2012
    Ray Ruby's Paradise, Manhattan, New York, USA. De cet établissement où l'effeuillage et le coquin sont monnaie courante, nous voici le public durant 1h45, comme le serait un promoteur immobilier lors d'une visite privée. Des cuisines à la scène, du bar aux vidéos-surveillance, des loges aux bureaux, "Go Go Tales" propose une étonnante plongée d'un ordre tout à fait anecdotique dans un cabaret fictif qui semble contenir l'énergie d'un plateau de cinéma, tout comme Ray Ruby, le patron de la boîte incarné par Willem Dafoe, est la version surjouée de Ferrara perdant les commandes de sa carrière, de ses budgets, de son équipe, de son inspiration. De cette idée déjà vue - qui consiste donc à métaphoriser l'évènement personnel du cinéaste en un spectacle permanent - ressort indéniablement un grand film, aussi grand qu'il semble privé, restreint, et finalement sans grande importance dans la filmographie du roi de New York. La première chose qui frappe dans cette mise en scène d'un groupe, d'une presque famille, c'est l'enfermement qu'a créé Ferrara et l'effet d'obsession qui en ressort. L'hystérie collective devient une masse difforme et un effet comique impayable tant le support claustrophobique nous oblige à vivre chaque mésaventure, aussi infime soit-elle, 'avec' et 'pour' les personnages. L'énergie visuelle et sonore travaille jusqu'à l'épuisement cette sensation de comédie et de tragédie légère ; lumières artificielles propres aux cabarets, surjeu éventuel des comédiennes selon leur présence sur scène ou en dehors, babillage sans conséquence prenant des proportions affolantes, enfermement des voix dans un lieu clos, hyperactivité de la présence musicale dû aux prestations scéniques... Ferrara utilise là toute la matière qui lui est offerte par la simple définition du lieu. Son choix esthétique, d'une grande force, est de ne jamais déranger cette matière par un évènement extérieur ; ainsi jamais ne voit-on un morceau de ciel, de trottoir, de route, de voiture. Même les rares scènes d'extérieur minimisent l'activité autre que sonore ; les klaxons accompagnent un plan serré d'un personnage marchant près du mur dans une avenue qu'on imagine remplie par le trafic automobile. Ferrara n'utilise jamais d'autres digressions que celles permises à l'intérieur de son Temple de pacotille ; et celles-ci sont multiples, voire infinies même si on ne peut y trouver ni aérations ni horizons esthétiques. Tout se base sur un vague suspens de tombola, grossière ficelle de cinéma dont Ferrara se délecte et nous avec, jusqu'à une extraordinaire séquence finale basée sur une progression de la tension narrative et un climax qui prouve la maîtrise de Ferrara dans n'importe quelle situation. Willem Dafoe y endosse comme un caméléon sous acides le rôle de Ray Ruby's / Ferrara jusqu'à l'hystérie sociopathe. Le joyeux bordel qui sous-tend le film ne vaut pas néanmoins un cinéma bordélique ; au contraire les idées fusent mais sont canalisées par cette idée jusqu'au-boutiste d'un inattendu huis-clos dont les seules pupilles extérieures sont les vidéos-surveillance, et dont la matière nous est transmise parfois dans des plans intégraux - étrangeté abstraite et vertigineuse par sa répétition - , qui s'oppose dans son grain impur au travail ingénieux du directeur photo Fabio Cianchetti sur la représentation de l'énergie et du mouvement groupé dans le cabaret. Presque making-of secret, mais les bras grands ouverts au public, "Go Go Tales" démontre l'inventivité monstre d'un auteur loin du gouffre dans lequel la triste industrie du cinéma aura essayé de le plonger. A ceux qui croient que son cinéma s'est effondré, on y verra plutôt que son humour se décuple, son approche fait diversion, sa maîtrise se précise et s'adapte aux effets magiques du film, son attention visuelle continue de s'exprimer autant par le cérébral que par ce que le coeur ordonne (superbes plans d'ouvertures où W. Dafoe, allongé, exténué, chemise blanche ponctuée de boutons de rubis, semble être caressé par des volutes de caméra et les inserts hallucinatoires d'une danseuse gracile au son de la harpe du "Lac des cygnes").
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