Sub est sublime.
C'est un voyage dans la nuit, une reconquête de l'Odyssée, un film en travellings dans le noir, travellings imposés par le mouvement du bateau conduisant le cinéaste le long des rives du fleuve Yangtze. Horizontal, donc, mais vertical dans sa narration.
Lousteau lit lui-même un texte qu'il a écrit, sur l'exploration imaginaire d'un robot de la NASA en quête d'un lac immense et jamais exploré, sous les glaces de Vostok. Ce texte est infiniment poétique. Il nous plonge dans la psyché de ce robot qui s'enfonce dans les glaces. Les images qu'il ramène sont des photographies, décrites avec précision, comme des amas de lumières qui se contredisent, des taches, des empreintes.
Lousteau travaille sur la disparition, le caché, l'espace invisible. L'image est principalement noire. Un faisceau cerne quelques formes indistinctes, jusqu'au barrage des 3 Gorges, de la pluie, une cabane, des arbres, des inscriptions en chinois, des 'choses'. D'autres lumières apparaissent : des phares, un autre bateau, un éclair qui embrase l'image et dessine les contours des montagnes - micro-événements superbes, toujours émotionnels, intenses.
Le texte, lui, est blanc. Limpide. Et la nuit du voyage que nous voyons entre en contraste avec l'éblouissement du voyage que nous entendons. Le bateau va vers un barrage, le robot vers un lieu qui n'a jamais connu l'air de la terre.
Ces deux histoires font naître un plan, abcisses et ordonnées, suffisamment libre pour que le spectateur puisse s'y perdre, voyager entre les deux, prendre tel mot, telle image, les faire se répondre, leur donner de l'écho. C'est d'abord lui qui est en charge de la profondeur du plan. Jusqu'à une fin (double) qui compte parmi les plus belles vues au cinéma, et qui donne au titre toute sa justification : le coeur du film est 'sub', cad en dessous. Je ne vous la raconte pas.