Je suis toujours un peu circonspect quand je regarde un "slasher culte", parce que bien souvent ça oscille entre le moyen (Les Griffes de la nuit) et la daube infâme (Vendredi 13). Mais je me suis dit que le premier représentant du genre pouvait définir les codes sans s'enfermer dedans. Et Black Christmas c'est tout à fait ça : il reprend le schéma narratif que tout le monde connaît sans inclure les débilités que les films suivants ont imposé comme règle. Exit donc les adolescents à deux neurones servant de chair à canon. Tous les personnages, même ceux qui restent secondaires, sont un minimum intéressants. L'héroïne est bien entendue la plus attachante. Sa personnalité est développée autour d'un dilemme moral assez osé pour un slasher, mais cela rejoint le ton général du film. En effet, l'ensemble n'est pas prude pour deux sous. Les personnages n'hésitent pas à faire mention de l'alcool et du sexe, tout en utilisant un vocabulaire très relâché. Non seulement cela tourne en dérision la pudibonderie de l'époque mais en plus on a l'impression de voir de vraies personnes à l'écran, pas les pantins qu'on nous sert habituellement. Mais le plus réussi, c'est la capacité du film à nous donner la frousse ! Parce que oui, Bob Clark sait comment on fait un bon film d'horreur ! Le réalisateur maîtrise parfaitement l'art subtil de la suggestion et fait du tueur un des psychopathes les plus terrifiants qu'il m'ait été donné de voir. Les nombreux plans en vue subjective participent beaucoup à la construction du personnage. Le tout premier, où on le voit s'infiltrer dans la maison, témoigne d'une ambiance rare. Le spectateur est doublement plongé dans l'inconnu : il arrive dans un lieu obscur qu'il ne connaît pas, accompagné d'un malade soufflant comme un bœuf et se murmurant des choses à lui-même. Et les coups de téléphone qu'il passe ne sont pas des plus rassurants. Il s'agit d'un mélange confus de gémissements et de pleurs, parmi lesquels des voix imitées par le tueur, rejouant une scène qu'il a déjà vécu. C'est au spectateur de résoudre le puzzle que constitue le passé du psychopathe, cela fait travailler son imagination et au final il se fait peur lui-même. Du génie ! Bien évidemment, la réalisation est au service de l'angoisse. Le réalisateur étire les scènes et nous laisse dans l'attente, dans l'attente que quelque chose arrive, alors on se prépare, les sens en éveil... La résidence elle-même devient menaçante : les surcadrages finissent par enfermer les personnages dans des espaces exigus, confinés, qui sont dévorés par des ombres portées de plus en plus présentes... Et cette musique, ces sons métalliques irréels et pourtant familiers, c'est tout bonnement horrible. Seul le montage est un cran en dessous, des scènes très courtes où l'on voit ce que font les personnages secondaires s'insèrent parfois maladroitement parmi les autres séquences. On pourrait résumer la qualité du film à sa fin, tout simplement parfaite, mais je préfère faire mention du troisième meurtre, qui possède une réalisation dingue. Elle trace un parallèle entre le crime et la fête de Noël, donnant un côté "châtiment divin" à la scène qui est tout à fait brillant. A mon sens, Black Christmas est un grand film, injustement méconnu.