L'idée de départ était très bonne et aurait pu donner un très bon film mais :
- Le personnage principal n'est pas du tout crédible. Je comprends le concept qui consiste à faire un héros d'un anti-héros, sauf que ce professeur antipathique, rigide et sans succès auprès des femmes est en même temps un original qui vit dans un immeuble vétuste envahi par la végétation, se fait appeler viking14 sur les réseaux et traiter de fou par les femmes qu'il tente de séduire parce qu'il en fait des tonnes. Finalement, on a affaire à un personnage "hybride" dont la part de folie ne cadre pas du tout avec son apparence (costume serré, grosses lunettes et cheveux plaqués en arrière). Il aurait fallu opter, soit pour un personnage "à la Franck Dubosc", c'est-à-dire résolument farfelu, soit pour un personnage beaucoup plus sérieux. La première option aurait rendu vraisemblable la manière qu'a ce personnage de se couler dans les héros de films qu'il interprète avec une aisance déconcertante (un peu à la Belmondo) ; la seconde aurait permis de jouer sur le décalage entre le caractère obséquieux et rigide de cet anti-héros et les scènes de films où il se trouve plongé, et ainsi de le voir évoluer petit à petit, d'abord incrédule, maladroit et ridicule, puis prenant de plus en plus d'assurance au cours des films qu'il traverse.
- Le fait qu'il y ait de la parodie dans la parodie tue le concept : les anachronismes dans la manière de parler ou dans certains détails un peu lourds (le portable qui sonne en pleine scène de western, le son de guitare électrique qui sort de la mandoline de Robin des Bois, etc., ce qui n'étonne pas le moins du monde les autres personnages), les blagues potaches, les références au cinéma faites par les personnages des films eux-mêmes, donnent l'impression que l'on n'est ni dans les histoires, ni en dehors. Pour ma part, j'aurais préféré quelque chose de beaucoup plus "premier degré", une forme de comique, d'ironie qui aurait découlé d'une reconstitution parfaite (ce que l'on frôle parfois avec certains décors, certains costumes, certaines ambiances, notamment au moment de l'apparition de Franck Dubosc en sosie de Clint Eastwood).
- En conséquence des deux premiers points, la frontière entre le monde des films et celui de la réalité n'est pas assez nette : Franck Dubosc fait du Franck Dubosc dans les deux cas, les passages de l'un à l'autre s'opèrent très maladroitement, et le fait que les deux univers puissent se mélanger (par exemple, que des personnages appellent Cinéman dans le monde réel, ou qu'il se retrouve chez lui avec le costume qu'il portait dans un film) m'a beaucoup perturbé. Il en va de même pour les mélanges entre les films : pourquoi les Droogies d'"Orange mécanique" apparaissent-ils dans "Taxi Driver" ? pourquoi Cinéman arrive-t-il au bal de Sissi déguisé en Zorro ? Un film est un monde à part, c'est tout ce qui fait son attrait : j'aurais aimé voir un personnage à la manière de Sam Beckett dans "Code Quantum", qui se serait retrouvé projeté dans ces univers parallèles que sont les films, en essayant chaque fois, avec plus ou moins de succès, de jouer son rôle.
- Enfin, je n'ai pas du tout compris le choix de certaines musiques qui ne collent pas du tout à l'action.
Ce que j'ai le plus apprécié dans ce film, pour terminer sur une note positive, ce sont toutes les séquences-hommages au cinéma : les montages ou superposition d'images de films de Méliès et Edison, authentiques ou reconstituées, que l'on voit notamment au générique, les parodies de films muets, la très belle (et presque émouvante) séquence où le héros et l'héroïne partent sur une barque, puis sur un tapis volant. Des moments fugaces, les seuls où la sensibilité cinéphile de Yann Moix apparaît véritablement.