Doomsday est un film métal. Déjà parce qu'il reprend énormément de long-métrages qu'il pousse au paroxysme de l'idiotie : Mad Max 2 et Le Dôme du Tonnerre, Resident Evil 2 (fallait y aller pour le rendre encore plus débile), Ghosts of Mars, 28 semaines plus tard ainsi qu'un soupçon de New York 97. D'aussi grands noms que d'autres un peu plus désuets composant les rangs de ses inspirations premières, le nom de Neil Marshall, à qui l'on doit le choquant The Descent (traumatisme d'enfance), cause une certaine curiosité.
Encore plus en sachant que le budget a été décuplé : comment gérer un film d'action/horreur à grande échelle et aux moyens conséquents en sortant d'un huis-clos de pure horreur gore dont le budget était minimaliste? L'exercice, complexe, ne manque pas de sincérité, ni même de passion; on ressent tout de même la difficulté rencontrée en narrant une histoire à si grande échelle, avec autant de personnages à développer et un univers à présenter.
En ce qui concerne la présentation de son monde, Marshall réalise un sans-faute : sa vision du genre post-apo, bien héritée de l'imagination fertile de George Miller, contourne l'originalité en poussant ses inspirations jusque dans leurs retranchements. C'est par l'excès, l'ultraviolence, le jusqu'au-boutisme qu'il innove, et parce qu'il s'inscrit dans une démarche d'hommage avec une personnalité très années 90 qu'il devient un univers à part entière.
Un excès qui ne convaincra pas la majorité des spectateurs : le malaise pourrait être de mise à la rencontre de cette version encore plus bdsm de l'univers graphique de Mad Max 2, et bien plus violente dans son intro que la séquence de confinement mitraillé de Resident Evil 2. Notons toutefois qu'il évite avec un grand discernement la vulgarité affichée par de nombreux films du même registre en guise de provocation et de révision des oeuvres originelles : trop précis dans sa vision du film de genre pour s'y résoudre, Marshall sait différencier la simplicité tentatrice de la grossièreté et la complexité de construire un monde d'ultraviolence et d'injustice.
Tout aussi vrai qu'il est plus complexe de construire des enjeux que de réaliser un film régressif et bourrin, il parvient à faire les deux; avec une finesse certes relative, mais l'intention, louable et ambitieuse dans sa présentation (pas dans sa mise au point), laissait présager d'une fan-fiction admirable des oeuvres qui le firent rêver plus jeune et qui construisirent les influences et la personnalité du metteur en scène.
Tirant le meilleur de ses inspirations, Doomsday se réceptionne en surprise désarçonnante : celui qu'on prévoyait à tord comme une repompe malhonnête et z de tout un tas de classiques intouchables forme sa sève autour des éléments scénaristiques qui les rendirent cultes, se faisant avec un regard aimant, passionné, de petit frère prenant exemple des grands, de ceux qu'il admire sans vouloir les surpasser.
On lui pardonne, aux vues de la générosité de l'offre, ses écarts de dialogues de séries b; ils participent, d'un autre côté, à le rendre aussi sympathique que les films produits pour les vidéos clubs, loin d'être irréprochables mais que l'excès sans retenue rendait adorables : on a, devant Doomsday, le même regard bienveillant et diverti que devant Judge Dredd, Cliffhanger, Double Détente, une vision détendue offerte par des films à la seule prétention de divertir dans l'instant.
Brut et brutal, Doomsday l'est sans hésiter : surtout lorsqu'il nous présente ses clichés de personnages, ses caricatures de méchants mêlant différentes icônes des antagonistes de films de genre (le chef de la bande a des airs de Mad Max 2 et de Ghosts of Mars). Comment lui en vouloir de ne pas faire dans la dentelle quand il démontre son amour pour une période et un genre cinématographiques connus pour leur manque de finesse et de retenue?
En jetant un oeil à son montage, par exemple. Erreur impardonnable : insupportable, obsolète de plusieurs années (l'esthétique MTV s'était heureusement éteinte quelques années plus tôt), il coupe chaque plan de plus de deux secondes, empêtrant le résultat final dans une mélasse dégoulinante de flashs et d'hystérie rédhibitoires. Résultant de cela, les combats deviennent illisibles et les courses-poursuite, dont l'efficacité en terme de publicité de voitures n'est plus à prouver, virent au registre du clip sans prévenir.
C'est donc dans un déluge de plans de moins d'une seconde et de numérique douteux que le film balance la fin de son carnage, avec un jusqu'au-boutisme égal à lui-même, poussant les têtes à travers les flammes et changeant l'ordre de la chaîne alimentaire : ses quinze dernières minutes, tout aussi mauvaises soient-elles, imageront un spectacle régressif qu'on ne pensait plus pouvoir voir depuis la chute du cinéma de genre des années 90, et que Neil Marshall nous tend avec une générosité folle, un sens de la démesure affolant et le jeu outrancier mais dans le ton de son casting complètement décalé.
Ce voyage dans le temps imaginatif est un bijou de bis et de références digérées, réadaptées, appropriées. La véritable malédiction concerne les spectateurs non férus de cinéma de genre.
Le dernier plan préparant une franchise, il reste une affreuse question : et si Resident Evil s'était écroulé plus tôt que prévu, et qu'il avait plus rapporté au box-office, Doomsday aurait-il pu donner une franchise du même niveau que ce one-shot forcé?