Fellini est un éternel insatisfait, il n'aura jamais le temps de se réjouir de l'accomplissement d'un film. En réalité, dès que le cinéaste commençait un nouveau film, il n'avait qu'une idée en tête, le finir ! Mais dès la fin de celui-ci, il ne se reposait pas, il fallait qu'il commence autre chose... tout de suite. Ici, avec « La cité des femmes », c'est encore pire ! Le tournage est un vrai désastre : des soucis de production, le tournage connut plusieurs arrêts. Bref, une très mauvaise expérience pour Fellini qui passe, selon lui, à côté de son propos ! En effet, si son souhait était de faire un film féministe plein de « reconnaissance pour toute cette immense joie que la femme nous donne avec une générosité désintéressée », il a raté son coup ! Le film se montre particulièrement agressif et limite misogyne !
Malgré son manque d'autosatisfaction, j'ai trouvé le film passionnant ! Peu importe si le propos de base a été déformé et finalement... tant mieux ! Tout fonctionne à merveille ! Avant le « joyeux » bordel que constitue l'assemblée féministe dans laquelle tombe Mastroianni, il y a la fameuse scène du train ! J'ai un souci avec cette séquence : c'est juste que la fille censée représenter le fantasme du personnage masculin ne m'attire pas personnellement, pire elle me repousserait presque... Question de goût sûrement, toujours est-il que cette scène ne m'a pas séduit !
Lorsque Mastroianni la suit pour arriver dans cette ambiance sectaire féministe, on y trouvera plus notre bonheur ! Comme à l'habitude du cinéaste, nous aurons un mélange d'idées esthétiques et poétiques tantôt drôles tantôt malsaines ! Un mélange qui peut sembler désordonné pour le spectateur non averti. Dans un premier temps, l'image du Mastroianni séducteur est complètement détruite, il s'apparente plus à un obsédé sexuel incapable de résister au plaisir de la chair, il apparaît volontairement très ridicule, la découverte de ces féministes en transe continue dans ce ridicule souhaité, il nous faudra donc quelques longues minutes pour comprendre réellement la direction que le film tend à prendre : il s'agit d'une immersion ! Par un surréalisme assumé, Fellini nous propose un voyage initiatique onirique, le problème (ajouté au fait que le film souffre de changements de productions) c'est la mise en scène qui se montre presque trop inventive en ce qui concerne les cauchemars/fantasmes de son héros. Le film tire plus vers l'épouvante que vers le remerciement que Fellini souhaitait adresser aux femmes... Mais a-t-il réellement voulu présenter cet aspect des choses ? En effet, le film base son « intrigue » (je ne sais pas si on peut parler d'intrigue... Une réplique assez bidonnante de Mastroianni est assez illustrative : « Mais qu'est-ce que c'est que ce film), donc le film base son « intrigue » sur les moyens utilisés par les femmes pour prendre le contrôle des hommes ! L'homme représenté par Mastroianni est désorienté par les nouveaux codes qu'on lui impose. Les femmes apparaîtront plus monstrueuses que sensuelles dans cette oeuvre ! En réalité, « La cité des femmes », si on prend ce qu'il est vraiment et pas ce qu'il voulait être, a son grand frère français : l'excellent et déroutant « Calmos » de Bertrand Blier. « La cité des femmes » montre clairement et volontairement (ceci Fellini n'aurait pas dit le contraire) la vulnérabilité de l'homme contemporain face à la femme et dénonce ce qui s'avérera, au final, une étonnante actualité : la revanche des femmes sur les hommes.
À l'instar de la mante religieuse qui mange son mâle après l'union sexuelle, les femmes de Fellini sont prêtes à démasculiniser les hommes. Le propos reste tout à fait pertinent au jour d'aujourd'hui.
Je retiendrai toute ma vie certaines séquences, notamment l'entraînement des femmes pour le coup de pied dans les testicules ou encore la séquence où cette femme parvient à attirer les objets (pièces et perles) à l'intérieur de son vagin.
Ceci dit, nous préférerons « Calmos » qui va encore plus loin dans la provocation et qui, contrairement à « La cité des femmes », ne souffre d'aucune longueur !