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Eowyn Cwper
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2,5
Publiée le 6 avril 2020
Douglas Sirk n’était décidément pas fait pour créer le cinéma de son temps, ni de chez lui : tout son casting est allemand & interprète la bourgeoisie britannique, celle qui est proche de la reine & où le proto-cabaret, avec sa semi-nudité, connaît autant d’adeptes que de détracteurs.
Ô étrange passage des ans faisant que l’époque dépeinte, 1846, nous semble aussi loin que l’année de sortie du film, 1937. Parce que c’est une représentation du passé dans le passé, impossible de nous connecter tout à fait à lui. Cela explique qu’on aura du mal à comprendre pourquoi les artistes qu’on appelle “actrices” sont sur la scène : & oui, le cinéma n’était pas encore né qui s’approprierait entièrement le terme & en ferait, dans les faits, une version masculine.
Comment alors faire la critique du film ? On peut être objectif devant des grandeurs impérissables du cinéma, mais Paramatta n’est pas de ce genre-là & n’a qu’une chose d’impérissable : la courbe cruelle que l’on va suivre de la déchéance d’une star, du succès de la scène au bagne pour femmes, avant sa remontée vers une vie plus modeste qui pour elle vaudra mieux, au moins, que la prison. Des dérives déchirantes font disparaître ses sourires & remplacent ses corsets par des chaînes, une chute énorme à laquelle il nous semble, du haut de notre 2020, que le cinéma des années 30 ne pouvait pas être compatible.
Paramatta, le bagne de Sydney, c’était le propos du film de Sirk, pas autant que la performance romantique ou autre norme du cinéma allemand. Et en poursuivant cet objectif, le réalisateur arrive à percer les couches sociales avec une facilité déconcertante, démontrant combien la position d’un individu peut être précaire là où la réputation est clé. Cette montagne russe du prestige en fait un film social majeur, dont les acrobaties du futile, déconstruisant à la fois avec rétrospection & précocité la dignité attachée aux classes sociales, sont une raison de déplorer qu’on ne s’en rappelle pas mieux.
Lorsque le Troisième Reich prend la direction de la UFA, les plus grands talents allemands fuyent la mère patrie pour s'exiler aux Etats-Unis pour la plupart. La UFA est un studio sans star. Douglas Sirk (encore nommé Detlef Sierck) est un des dernier metteur en scène connu à ne pas encore avoir quitté le pays. Il entend parler d'une actrice de cabaret suédoise qui joue à Vienne; elle lui plait; aussitôt la machine publicitaire de la UFA se met en route: la légende Zarah Leander vient de naître. Une star autoproclamée avant même qu'elle n'ai fait un seul film. Cette aspect ultra-commercialisé (méthode, qui on le voit, ne date pas d'hier) s'en ressent un peu sur le film qui devait forcément contenir les chansons déjà connue du public qui étaient diffusée sur les ondes avant la sortie du film. Cependant Sirk à l'intelligence de les concentrer pour la plupart dès le début du film pour ne plus avoir à couper le rythme de son film par la suite. Le film fut un succès public et critique qui, il faut le signaler, ne contient pas encore de message politique nazi. Mais Sirk tournera son dernier film allemand la même année ("La habanera") et il aura déjà moins de libertés.
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3,0
Publiée le 19 février 2012
Avant de fuir le nazisme et de s'imposer à Hollywood, le grand Douglas Sirk a tournè en Allemagne deux beaux mèlodrames avec Zara Leander. "La Habanera" et surtout "Paramatta, bagne de femmes", où l'actrice suèdoise incarne une chanteuse de beuglant qui se sacrifie pour son amant! Tout le brio de Sirk se trouve dèjà dans sa rèalisation qui sait mettre en valeur les èpisodes les plus pitoyables de l'œuvre où le principal atout est l’interprètation remarquable de Leander! A noter le petit rôle d'un Curd Jürgens à ses dèbuts d'acteur! Un film mèconnu des annèes 30 convenablement filmè mais c'est à partir de ses films en couleurs que le talent de Sirk s'exercera pleinement grâce à l'opèrateur Russell Metty...
Des sept films de la période allemande de Hans Detlef Sierk qui signera Detlef Sierk ses mises en scène ( au théâtre puis au cinéma) avant d'americaniser son nom lorsqu'il fût embauché par Universal en Douglas Sirk, c'est celui que je préfère.
On ne peut pas, ne pas penser à " blonde venus" de Sternberg avec le thème de la femme déchue par amour, le cadre tropical, tandis que certains numéros musicaux ne sont pas éloignés par le ton avec ceux de " l'ange bleu".
Un homme superficiel est l'objet d'un amour sincère de la part d'une chanteuse qui pour le protéger d'un faux qu'il commet pour éponger ses dettes, se dénonce à sa place. Elle est condamnée au bagne en Australie ou son ancien amant a été nommé aide de camp du gouverneur.
Par-delà la mise en scène et une première partie très réussie, (la seconde l'est aussi mais à mes yeux, un peu moins), c'est l'interprétation et la présence de la suédoise Zarah Leander ( elle deviendra la plus grande star du cinéma nazi) qui rend l'opus aussi formidable.
Certes son personnage incarne une moralité supérieure à celle de l'homme qui renforce sa présence à l'écran, mais son charisme est immense et s'arrache à l'image pour venir renverser le spectateur.
Si l'actrice participe de sa compatriote Greta Garbo et de Marlene Dietrich, elle possède sa propre identité qui en font, au plan de la présence scénique une concurrente qui non seulement vaut la comparaison avec les deux autres vedettes, mais peu même les dépasser selon l'appréhension de chacun.
L’histoire [tirée du roman éponyme (1936) de Lovis Hans LORENTZ (1898-1976)], d’amours contrariées, est assez conventionnelle et reste un mélodrame sage comparé à ceux, plus flamboyants que Douglas Sirk réalisera plus tard aux Etats-Unis. Il y est question d’un homme, séducteur et velléitaire, Albert Finsbury [Willy BIRGEL, 46 ans et qui a joué le chef d’orchestre dans « La neuvième symphonie » (1936) du réalisateur], endetté, partant, en 1846, comme militaire en Australie et laissant sa maitresse, chanteuse, Gloria Vane (Zarah LEANDER, suédoise, 30 ans) à Londres où elle avoue, par amour et pour l’épargner, avoir falsifié un chèque destiné à son amant. Persistant dans ses aveux, elle écope de 7 ans au bagne de Paramatta près de Sydney en Australie. spoiler: Sous le matricule n°218, confectionnant des paniers et du tissu, elle est retrouvée par son amant qui est devenu officier d’ordonnance et sur le point d’épouser la fille du gouverneur. Rien de bien passionnant et d’original mais le film a le mérite, d’une part, de montrer l’hypocrisie de la société victorienne (des hommes puritains fustigent la tenue de la chanteuse, habillée d’un magnifique bustier en dentelles, qu’ils qualifient de dénudée et la rendre responsable de la dépravation des fils de bourgeois qui assistent à son spectacle) et, d’autre part, la sévérité de la justice, notamment vis-à-vis des femmes (un chèque falsifié de 615 £ entraine 7 ans de bagne aux antipodes car l’accusée n’est pas une femme mais une « créature ») avec le recours au bagne (11 sites en Australie dont celui de Parramatta, pour 160 000 personnes de 1788 à 1868, à l’initiative du Premier ministre William Pitt Le Jeune (1759-1806). A l’époque, Sydney fait penser aux villes du Far-West américain et on retrouve l’atmosphère de la colonie anglaise décrite dans un film postérieur, « Les amants du Capricorne » (1949) d’Alfred Hitchcock.
Histoire d’amour et opposition des classes sociales, ce mélo flamboyant mêlant allusions érotiques, douleurs exacerbées et destinées amères, est renforcé de chansons qui rappellent «l’Opéra de Quatre sous ». Récit parfaitement mené, esthétique parfaite, Superbe.