Attention! film percutant, dérangeant, émouvant. Pourtant Jenny, vingt ans, emprisonnée pour meurtre, sale, loqueteuse, les cheveux dans la figure et le regard en dessous, les mains couvertes de plaies mais le poing toujours prêt à frapper, n'a rien d'attirant. C'est bien ce que lui dit Traude Krüger, la vieille prof de piano de la prison qui s'occupe des quatre détenues que la musique intéresse (nous sommes en Allemagne) : elle consacrera ses efforts à la pianiste, pas à la femme. Car l'huître à la coquille rugueuse renferme une perle : un don exceptionnel pour le piano. Traude va donc se battre pour que son élève provocatrice et imprévisible, violente en paroles et en actes, triomphe au concours des jeunes pianistes. Elle se bat contre le directeur et les gardiens, surtout celui que Jenny a tabassé pour accéder au piano et y jouer sa "musique de nègre". Mais elle se bat aussi contre Jenny elle-même, rebelle à toute discipline, qui cherche toutes les occasions de se détruire pour détruire en même temps le lourd passé qui l'a conduite à la case prison. Elle se bat enfin pour effacer ses propres remords en aidant cette jeune femme car à l'époque nazie, elle n'a pas eu le courage de le faire pour son amie "communiste". Elle l'a trahie et son exécution la hante toujours. Nous assistons donc à un affrontement entre ces deux femmes aussi fermées l'une que l'autre et qui vont apprendre à se connaître, à se faire confiance et à s'apprécier. Le film et ses interprètes ont déjà été primés dans plusieurs festivals : pour la performance d'actrices, certes, mais aussi pour l'originalité du scénario, le dynamisme de la mise en scène, l'omniprésence de la musique dont la force rédemptrice éclate dans la dernière séquence, éblouissante. On garde longtemps à l'esprit la dernière image du film, celle de Jenny sur scène encadrée par deux policiers, en robe du soir et grosses chaussures, saluant le public qui l'acclame debout, le visage enfin illuminé par un sourire heureux!