Un décor d'apocalypse, un robot rouillé et crotté, une action peu dramatisée, pas un mot... Le début du film est assez incroyable. Pas commercial pour deux sous. Pas Disney pour deux sous. Cette audace narrative accroche immédiatement. Les paysages enchantent par leur désenchantement. Et le petit personnage titille notre curiosité. Il ne se contente pas de compacter des déchets, il les assemble, les amoncelle pour en faire des buildings, en imitant les vieilles tours (new-yorkaises ?) qui l'environnent. On le voit ensuite "chez lui", dans un appartement-garage-bric-à-brac. Sa façon de s'intéresser aux objets anodins d'une humanité disparue fait jaillir une drôle de nostalgie, soutenue par une BO ad hoc. La suite, marquée par la rencontre d'Ève, est un mélange de romance et d'aventure, à la confluence de l'anticipation, de la science-fiction et de la fable écolo. Le traitement est d'une vraie finesse, sans rien sacrifier au rythme ni au divertissement. Finesse dans le comique de geste et de situation, finesse dans les sentiments. Grâce à un dessin et à une animation remarquables, les robots ont une expressivité bluffante. En jouant sur une naïveté très travaillée, le réalisateur Andrew Stanton (1001 Pattes, Le Monde de Nemo...) parvient à faire rire et à émouvoir en même temps. Étonnant. On apprécie aussi l'intelligence caustique du scénario, l'illustration d'une déshumanisation par le biais de portraits de robots plus "humains", plus sensibles et plus libres que les hommes, des hommes qui sont allés au bout de leur folie consumériste, devenus mous et obèses, rivés à leur écran, entièrement dépendants d'un système high-tech, automatisé et... autoritaire. Bref, une vision du futur bien sentie, avec quelques clins d'oeil amusants à 2001 : l'odyssée de l'espace (l'oeil rouge de l'ordinateur de contrôle, la musique de Strauss). Ce film fourmille ainsi de détails réjouissants, tant visuels que sonores. On peut être plus sensible à l'esthétique de la première partie, sur la Terre, qu'à celle de la seconde, dans l'espace, mais l'ensemble est très réussi. Au final, sur le fond comme sur la forme, Wall-E s'impose comme un petit bijou de l'animation. Inventif, charmant, drôle, poétique, critique. Un film complet, qui comble.