Ce film est indémodable car par essence le divorce est indémodable ! Pourtant des films sur des divorces, il y en a eus bien avant ce film réalisé par Robert Benton, mais ils ne m’ont laissé aucune trace. « Kramer vs Kramer », allez savoir pourquoi, parvient à me toucher chaque fois que je le vois. Les années passent et suis toujours conquis. Oui, je sais, je ne suis pas objectif car je considère « Kramer vs Kramer » comme un film majeur du cinéma. Nous sommes à l’aube des années 1980, pour ne pas dire fin des années 1970. L’homme travaille et la femme est toujours réduite à rester à la maison. On part évidemment du principe que la femme s’épanouit avec son enfant pendant que son homme gagne l’argent du foyer où il est aussi censé s’épanouir ! Ted Kramer aime son métier, il ne travaille pas en usine, n’est pas docker sur les quais de l’Hudson, n’est pas un employé libre service dans une grande surface, il semble faire carrière dans la publicité. Il s’épanouit, lui. Il s’investit à fond, ne compte pas ses heures et surtout il est persuadé d’apporter du bonheur dans son foyer. Son petit garçon grandit à son rythme dans les bras heureux de sa jeune maman. Seulement, patatra, Joanna Kramer a des états d’âme, la pauvrette ! Elle n’est pas heureuse. En tout cas, elle ne partage pas la même conception du bonheur que son mari, aimant, prévenant (?) soit-il. Et en filigrane, ce fils, Billy qui semblerait être arrivé trop tôt dans son couple. Billy se révèle pour Joanna une geôle ! Billy l’enferme dans une vie sans relief selon elle. Nombre de femmes seraient d’avis contraire. Elever son enfant à la maison, c’est un épanouissement de chaque instant. Ben non, pas pour tout le monde, pas pour toutes les femmes. Un enfant ce peut être aussi un frein à son épanouissement personnel. Des femmes quelque peu négligées par leur mari qui s’oublie au travail, il y en a pelletées. Joanna a le mauvais rôle, elle est perçue comme une ingrate. Quand j’ai vu ce film à sa sortie, je n’aimais pas Joanna. J’avais 19 ans et mes certitudes. A la sortie du VHS, mon opinion n’avait pas varié. Je suis resté longtemps à ne plus voir le film, et quand l’envie m’avait pris de le revoir, mon magnéto m’avait lâché. Il me fallait attendre une diffusion télé car aussi étrange que cela puisse paraître, l’achat du film en DVD ne m’était plus une priorité, convaincu qu’il était ancré dans mon esprit. Et pendant cette parenthèse, je prends de l’âge, je me construis au grès de mes lectures, des informations tout azimut, de l’évolution de notre société, des rencontres et des films, bien sûr. Et en le revoyant dernièrement, je me suis surpris à comprendre les états d’âme de Joanna ! Ce que je n’ai pas complètement capté entre 1979 et les années 90, je l’ai soudainement capté en 2020 ! Je me suis aperçu que « Kramer vs Kramer » n’était pas une simple chronique primaire comme je l’avais bêtement interprété : d’un côté le gentil Ted Kramer qui s’emploie dans l’urgence à concilier vie professionnelle et vie au foyer ; et de l’autre une jeune femme ingrate qui a surtout abandonné son petit garçon de 7 ans ! Un film manichéen tout simplement. Ben non, il y a une sous-couche, la frustration de Joanna en qualité d’épouse et de maman par exemple. J’imagine que pour certains, c’était une évidence, il ne leur a pas fallu une deuxième lecture contrairement à moi qui en a pris conscience 40 ans plus tard ! Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et il n’est jamais trop tard pour se rendre compte de ses erreurs. Si tant est c’était une erreur… Je ne devais pas être le seul à penser ainsi. « Kramer vs Kramer » c’est d’un côté Ted Kramer incarné avec énergie par un Dustin Hoffman remarquable, et de l’autre Joanna Kramer interprétée par une jeune actrice Meryl Streep, tout en subtilité et sensibilité. Les deux acteurs offrent une prestation poignante et solide. Un film qui alterne avec malice sourire et larmes. Un film intemporel car le récit propre n’a pas pris une ride. Ce qui peut paraître vieilli, c’est le New York de 1979, avec ses voitures, ses vitrines, son environnement et encore, je n’en suis pas si convaincu, les vêtements. « Kramer vs Kramer » est une chronique assez banale dans l’absolu, mais Robert Benton et sa direction d’acteurs a su en faire une chronique captivante, émouvante et plus complexe qu’il n’y paraît. Enfin ne pas évoquer Justin Henry serait pour le coup d’une ingratitude pingre tant son interprétation du môme Billy était juste et touchante. Sans lui, « Kramer vs Kramer », plus exactement sans son incarnation, aurait été un film de plus sur le divorce à la texture classique. Un de plus qui ne m’aurait pas laissé de trace. Juré promis, je vais acheter le DVD... A voir en V.O si possible, pour la performance des trois acteurs.