Tsui Hark a cette capacité de prendre un genre, ici la comédie romantique, et de s'en emparer complètement afin de le pousser dans ses derniers retranchements. Quitte à en faire trop parfois, mais le tout avec une générosité et une énergie communicative.
"Shangaï Blues" se révèle donc être, dans sa structure tout du moins, un long-métrage extrêmement calibré au sein duquel le cinéaste parvient à insuffler sa folie. Ce que l'on pouvait prendre pour une œuvre romantique durant les premières minutes se mue peu à peu en grande farce burlesque qui, si elle échoue à se renouveler, au point de devenir agaçante par instants, sait se faire plus discrète quand il s'agit de susciter l'émotion.
Si Hark propose une mise en scène dynamique et jouant habilement avec son cadre, donnant au long-métrage des faux-airs de Veaudeville, il pose aussi un regard sur une Chine en perte de repères, dominée par les occidentaux, chacun rêvant d'un Eldorado qu'il ne pourra jamais s'offrir. C'est donc à cet axe thématique que viennent se greffer toutes les extravagances du cinéaste, notamment des passages de comédie musicale, aussi inattendus que réjouissants, ainsi qu'une ambition romantique forte.
Les drames se nouant entre les protagonistes, pourtant traités avec légèreté, finissent par émouvoir, et ce jusqu'à la sublime scène de retrouvailles, dans le noir complet, mêlant gêne et bonheur, avant de se transformer en totale euphorie.
Malheureusement, c'est cette générosité qui fait la plus grande force, et la plus grande faiblesse, de "Shangaï Blues". La vision du cinéaste, et sa force romantique, en font une œuvre plaisante, mais le burlesque, qui prête à sourire dans un premier temps, agace finalement par son incapacité à se renouveler, au point de parasiter une bonne partie du long-métrage. Tsui Hark en fait trop et échoue à de nombreuses reprises, mais reste brillant dans son détournement du genre, tout en faisant preuve d'une maitrise formelle indéniable qui parvient à elle seule à créer l'émotion.