Voici ma critique en quatre points, chacun noté sur 5. Je n'ai pas mis de spoil pour ceux qui ne l'ont pas encore vu.
1) La structure narrative. 3/5
Le scénario est simple, mais efficace, ce qui est idéal pour relancer la franchise cinématographique d'un super-héros tel que Superman. L'histoire suit le schéma d'une rédaction avec une introduction, un développement et une conclusion. On est dans un film qui a été vendu comme étant "réaliste", donc la structure de l'histoire se doit de "respirer" la cohérence, et c'est le cas selon moi. La première partie débute sur la planète Krypton, proche de la destruction, et prend soin d'expliquer les raisons qui ont poussé Jor-El et Lara Lor-Van à envoyer leur fils sur Terre. La deuxième partie met l'accent sur les déambulations de Clark en quête de son identité, mais aussi sur des flashbacks sur sa jeunesse posés ici et là (un peu à la manière de "Lost") ; celle-ci s'achève avec la troisième partie qui voit l'apparition de la menace, le Général Zod et les autres Kryptoniens renégats. Même si tout ça est bien en place, on peut reprocher des ellipses, c'est-à-dire des des facilités scénaristiques qui permettent de passer d'une scène à l'autre et qui peuvent donner l'impression que Zack Snyder (le réalisateur du film) veut vite passer à autre chose, notamment dans la deuxième partie ; du coup, on sent que le personnage n'a pas totalement l'ampleur nécessaire pour prendre son envol, et ça dérange. Je pense que Snyder avait conscience que le fait de répéter les origines de Superman, alors que tout le monde les connaît, pouvait ennuyer le spectateur et du coup, il se serait précipité. Mais, à quel prix ? Il zappe des événements qui auraient pu et dû être présents dans la quête initiatique de Clark ; j'y reviendrai plus loin dans les thèmes abordés par le film. Malgré tout, ici est jugée la structure narrative, c'est-à-dire comment le récit s'articule et à quel rythme. Tout est bien au début, trop rapide à un moment donné dans la deuxième partie, et très bien conduit dans la dernière.
2) Les thèmes. 3/5
En fait, ce qui ressort du film et à cause du rythme qu'il propose à un moment précis dans la deuxième partie, c'est que certains thèmes dont il est question sont juste évoqués et non approfondis comme ils mériteraient de l'être, car la plupart sont ancrés dans la réalité (preuve du réalisme qui suit le film en toile de fond).
Dans la première partie, sur Krypton, des thèmes apparaissent clairement :
- la surexploitation des richesses de la planète conduisant à sa destruction. C'est là, la fibre écologique du film.
- L'eugénisme. La volonté de l'Etat kryptonien de faire en sorte que ses habitants se reproduisent artificiellement et de doter les nouveaux-nés, via des manipulations génétiques, d'une place déterminée dans la société kryptonienne et ceci avant sa naissance (untel sera soldat, l'autre ouvrier, etc). Grosse référence à Matrix à un moment donné, et à des oeuvres de SF connues comme le "Meilleur des mondes" d'Aldous Huxley.
- L'évolution. Si la technologie nous le permet, et avec les meilleures intentions du monde, a-t-on le droit d'interférer dans l'évolution des êtres vivants ? Cette interrogation, le début du dernier "Star Trek" de J.J Abrams l'aborde aussi. Egalement, cette question de l'évolution en soulève une autre : s'il existait d'autres planètes abritant la vie, est-ce que ladite vie évoluerait pareil que sur Terre ? Il y a aussi la nécessité de l'adaptation à l'environnement, et le rôle de l'Etat dans ce genre de crise.
La seconde partie a aussi ses propres thématiques liées au périple du héros, mais elle passe rapidement sur une d'entre elles :
- Les questions existentielles : bien avant de revêtir l'habit de Superman, Clark se pose ces questions que chacun s'est un jour posé et qui sont éternelles. Pourquoi suis-je ici ? Quel est le sens de ma vie ? Il y avait ici moyen de placer ses interrogations dans un contexte spirituel, idéal pour un héros à caractère messianique comme Superman, tout en étant lié à l'univers DC que Warner propose de développer : par exemple, on aurait pu voir Clark voyager dans le monde entier et arriver au Tibet, au monastère de Nanda Parbat (un lieu de référence chez les fins connaisseurs de Batman). Cela aurait fait "une pierre, deux coups" : on approfondit le perso tout en faisant un clin d’œil à l'univers des comics. Mais ici, on n'y a pas droit. Ce qui est bien dommage.
- La religion. Elle est bien présente et c'est tant mieux. Ne pas en parler aurait été perdre, voire même renier, l'aspect messianique de Superman qui existait dès sa création il y a 75 ans maintenant. Les références à Jésus Christ sont là : un père envoie son fils aux hommes dans l'espoir de bâtir un avenir meilleur, pour eux comme pour le peuple kryptonien. D'où le symbole d'espoir qu'il représente. Et aussi, la scène avec le prêtre, trop rapide à mon goût.
- La xénophobie. Clark passe une grande partie de sa jeunesse à cacher ses dons extraordinaires de peur que les humains le rejettent ou aient peur de lui. C'est cette crainte de l'intolérance, doublée par les brimades subies au cours de son adolescence, qui le pousse à ne pas montrer qui il est vraiment.
La fin du film pose une interrogation intéressante sur l'héroïsme : jusqu'où peut-on/doit-on aller pour devenir un héros ?
3) La forme. 5/5
Rien à dire. L'esthétique est là. C'est beau, puissant, épique et jouissif (les bastons sont sublimes). On prend du plaisir avec les yeux et les oreilles (super bande-son de Hans Zimmer encore une fois !) ; la caméra bouge bien et vite, à l'image d'un Superman en forme dans les airs ! Très bon choix de ne pas avoir remis le slip rouge sur le costume de Kal-El (ceci dit, une ceinture fonctionnelle de même couleur que le slip aurait pu servir de rappel, comme c'est le cas dans les nouvelles BD actuellement)!
4) Les personnages. 4/5
Henry Cavill est génial en Superman, avec le charisme et la crédibilité qu'il faut pour l'interpréter. S'il y a un "Justice League" adapté au cinéma, ce dont je ne doute absolument pas, il y aura sa place sans problème tant il s'impose à l'écran. Amy Adams, en Loïs Lane, s'en sort bien : vu que l'histoire est centrée sur Clark, son rôle et sa portée dans l'histoire ne peuvent qu'être secondaires, tout comme le sont ceux de Perry White ou de Martha Kent. Cependant, on a droit à quelques séquences entre Loïs et l'Homme d'Acier qui donnent l'impulsion nécessaire à la naissance de leur idylle ; celle-ci sera certainement plus développée dans le deuxième opus de "Man of Steel" prévu par la Warner. Le Général Zod, superbement incarné par Michael Shannon, est glacial, agi pour des raisons précises, tout en restant obsédé par la mission qu'il doit mener à tout prix. Jor-El est touchant, notamment au début du film. Jonathan Kent aussi (par contre, la fin de la scène avec la tornade est pourrie... En terme d'intensité émotionnelle, on a vu mieux).
Résultat : 15/20.
Donc, bon film, bon divertissement ! Problème de rythme, mais l'histoire marche bien de par sa simplicité et ses pe. L'action est bien présente, l'émotion aussi à quelques moments. Un supplément d'âme aurait donné davantage d'ampleur au film à travers les thèmes traités, et c'est ça qui lui manque : ce seul élément aurait pu hisser le film au rang de chef-d'oeuvre, avec une action énorme à la fin en guise de couronnement. Les toutes petites références à l'univers DC sont les bienvenues, mais faut arriver à les voir quand même. J'espère que la Warner aura le bon goût de réutiliser les dégâts que subit Métropolis à la fin du film pour le deuxième volet de Superman, car il y a gros truc à faire ici avec Lex Luthor et Métallo en guise d'homme de main éventuellement...