Le plus amusant en voyant «Ostrov» (Russie, 2008) de Pavel Lounguine, c’est d’imaginer Luis Bunuel face au film. Le génie du surréalisme aurait certainement bien ri devant tant de bigoterie. Trivialement, ce film de Lounguine se résumerait comme le calvaire rédempteur d’un prêtre facétieux, hanté par le meurtre qu’il a du commettre sous le joug nazi. Le poids de la religion sur la conscience humaine est retranscrit, quelque peu impertinemment, par des paysages sublimes sur-esthétisés d’une île enneigée et par des chants christiques quasi-transcendants. Les images sont chargées, par Andreï Jegalov, directeur de la photographie, d’une oraison mystique aux teintes blêmes. Il y a assurément de l’inspiration picturale dans la composition des plans. La démarche, qui consiste à donner aux choses cinématographiées leur valeur par un appui outrageux de leur apparence, relève du même procédé appliqué par le piètre cinéma de divertissement occidental. Autrement dit, «Ostrov», sous l’apparence d’une culture russe, est confectionné tel un film américain. Il aurait fallu que Lounguine voit les chef d’œuvres de Paradjanov pour savoir que le mystique au cinéma n’est pas une affaire de foi sublime mais plutôt d’icônes, de création d’imaginaire. Ce film à toutefois l’avantage de nous assurer que, non, le cinéma au service de la religion ne donne jamais de films fructueux. Si le cinéma est né à la fin du XIXème siècle, aux horizons en France de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ce n’est pas par hasard. Quand la religion s’est essoufflée dans le cœur des hommes (dès que Nietzche eût proclamé la mort de Dieu), le cinéma est né, s’est substitué à son rôle de fascination et d’images du monde. Le mélange de ces deux modes d’appréhension du réel délivre souvent une œuvre hybride, bancale, voire pathétique comme dans ce cas-là. «Ostrov» peut susciter le rire involontaire, quoique généralement il dégage la prétention.