Guillaume Malandrin explique les raisons qui l'ont amené à choisir comme titre Où est la main de l'homme sans tête ? : "Parfois, il arrive qu'on se réveille avec une phrase qui n'a pas de sens et qu'on ressasse toute la journée. Le titre pourrait être la phrase avec laquelle Eva sort de son coma. Elle ouvre les yeux et a cette phrase bizarre dans la tête. A priori, ça n'a pas de sens, et c'est justement cette absence de sens qui la perturbe. Elle sait qu'elle possède une clé, mais elle ne sait pas encore pour quelle porte. C'est le début de son angoisse."
Et son frère Stéphane de poursuivre : "Le titre est une injonction, l'ordre de trouver la main d'un homme sans tête. Ça ne veut rien dire, et c'est justement le problème. Championne de plongeon, Eva est habituée à recevoir de son père des ordres utiles et intelligibles qui lui permettent de se perfectionner. Là, pour la première fois de sa vie, elle reçoit un ordre absurde, qui parle d'un homme amputé et décapité."
Pour Stéphane Malandrin, Où est la main de l'homme sans tête ? raconte "l'amour "dévorant" d'un père-coach pour sa fille sportive, jusqu'à la nausée et la terreur, et sa particularité est d'être un thriller en même temps qu'un drame psychologique." Son frère Guillaume décrit quant à lui son film comme "un drame familial et psychologique qui avance sous le masque du thriller". "Pourquoi ? s'interroge-t-il. Parce que nous adoptons le point de vue de notre personnage principal, Eva, qui traverse un thriller... alors que c'est surtout un drame personnel !"
Guillaume et Stéphane Malandrin avouent s'être inspirés de Opening Night de John Cassavetes et Rosemary's Baby de Roman Polanski lors de la phase d'écriture du film. "Ce sont deux films qui racontent le passage d'une femme de l'autre côté du miroir à un moment crucial de sa vie, racontent-ils. La première, parce qu'elle devient mère, la seconde parce qu'elle entre dans la vieillesse. Eva cesse d'être l'icône immortelle de son père. C'est un processus d'arrachement qui se fait dans la terreur parce qu'au-delà de ça, il y a un monde qu'elle ne connaît pas. Que fait une championne olympique lorsqu'elle arrête, alors qu'elle a commencé depuis l'âge de cinq ans avec son père ? Comment le regarde-t-elle à ce moment-là ?"
Sur l'aspect fantastique du film, Stéphane Malandrin déclare : "Le fantastique, c'est l'intrusion de l'irréel dans le quotidien. On en fait tous l'expérience dans notre vie, à un moment ou à un autre, quand on croit "voir" ou "entendre" des choses qui n'existent pas. Ça arrive dans des moments de fatigue intense, ou de grand stress : une porte claque mais elle n'était pas ouverte ; quelqu'un marche et il n'y a personne. Ces événements ne surgissent pas par hasard : ils nous désignent, nous ramènent à des choses qui se passent dans notre cerveau, dans notre chair, peut-être inconsciemment. C'est très freudien."
Et son frère Guillaume de poursuivre : "D'autres diraient Bunuelien ou Lynchéen parce qu'il est à la mode ! Nous c'est plutôt André Delvaux, le surréalisme belge. Le film a incontestablement une dimension psychanalytique, dans la mesure où les digues qui séparent le passé du présent et le réel de l'irréel commencent à se fissurer. L'inconscient n'est plus étanche. Il déborde sur le reste. C'est le bordel !"
Où est la main de l'homme sans tête ? s'est tourné à Bruxelles. "On a écrit le film pour la Basilique de Koekelberg, qui est la cinquième plus grande basilique du monde et qui trône sur Bruxelles comme un gros gâteau de crème pâtissière verte abandonnée de tous, car personne n'y va jamais et tout le monde la déteste", raconte Guillaume Malandrin.
Le tournage s'est également déroulé avec une équipe réduite, dans des conditions parfois peu confortables : "la nuit, en plein hiver, allongée dans la boue, sous la pluie !" comme l'explique Cécile de France. "C'était vraiment intense, presque éprouvant, en tous cas unique, poursuit-elle. Toute l'équipe était hyper investie, avec une passion commune pour le cinéma et la fabrication de ce film. C'était dur, mais artistiquement très riche. Guillaume et Stéphane Malandrin travaillent de façon très complémentaire, avec beaucoup d'attention sur les détails, beaucoup de plaisir dans l'invention."
C'est par le biais du producteur Philippe Kauffmann que les frères Malandrin ont fait la rencontre de Cécile de France. "Ils m'ont envoyé ce scénario très étrange qui s'appelait Où est la main de l'homme sans tête, se souvient la comédienne. J'étais complètement absorbée par ma lecture, à la fois fascinée et horrifiée, et quand j'ai tourné la dernière page et lu la dernière ligne, j'ai décroché mon téléphone et j'ai appelé Guillaume Malandrin pour lui dire que je voulais travailler avec lui. L'univers était tellement fort, le personnage tellement complexe, le trajet dans les méandres de son cerveau tellement palpitant, que je me suis dit : "c'est un film que je dois faire". C'est vraiment un film très atypique."
Cécile de France a suivi une préparation physique de six mois pour le rôle de plongeuse de haut vol. "Je sortais d'Un secret, sur lequel j'avais travaillé mon rôle de nageuse avec une coach, Gaëlle Cohen, se souvient la comédienne. J'ai poursuivi ce travail avec elle. Evidemment, dans le film des frères Malandrin, je suis une plongeuse olympique. Il a donc fallu moderniser mon jeu, et coller au plus près de la gestuelle des plongeuses : leur façon de sortir de l'eau, de s'essuyer, de se positionner au bord du vide, de placer ses mains, de regarder son coach. J'ai aussi beaucoup observé une championne de France, Odile Arboles-Souchon, qui a travaillé avec nous. Après... pour les plongeons de dix mètres, c'est la magie du cinéma."
Edouard Piessevaux, qui incarne le petit frère de Cécile de France dans le film, a été choisi après un casting "monstre" de 200 enfants.