En désaxant la conduite d'un banal récit de meurtre, Karen Moncrieff signe une oeuvre originale et intense, piétinant les clichés du simple thriller. Ici, le méchant est secondaire, la police invisible ; il s'agit de dépeindre, au-delà d'un quelconque twist final ou d'une enquête académique, le portrait de cinq femmes bouleversées face au corps d'une jeune fille mystérieuse. Sans que tout le monde ne le voit, le corps reste l'axe principal du film, un entêtant symbole d'une Amérique violente et violentée qui induit sur tout le monde. La cinéaste brise alors toute linéarité en réalisant un quintuple portrait à portée universel, à la manière d'un faux film choral, déséquilibrant la continuité pour en puiser une réelle complexité de langage. L'étrangère (Toni Collette, superbe), chapitre intriguant s'il en est, dépeint une femme rongée par la perte d'un frère, obligée d'aider sa mère vieillissante ; c'est elle qui découvre le corps, et de cette découverte qui lui projectionne, on s'en doute, le souvenir d'un frère déchu, elle s'abolit de l'enfermement (autant physique que psychologique), et découvre les joies d'un baiser longtemps disparu. La soeur, elle, espère que le corps découvert à la morgue est bien celui de sa soeur longtemps disparue, espérant par la mort de cette dernière se dévêtir du poids de l'incertitude. S'il manque à cette partie un certain charisme esthétique (décors trop neutres, manque d'atmosphère), la réalisatrice ne peine pas à lui insuffler une belle dose d'émotion. Puis vient l'épouse (incroyable Mary Beth Hurt), celle du tueur, bête ignoble que la cinéaste ne nous cache en aucun cas ; on comprend vite qu'il ne faut pas s'attendre à la découverte machiavélique clôturant le film : l'idée est ailleurs (et on le comprend déjà bien avant). Cette partie, glauque à souhait, évoque une femme délaissée, puis finalement trahit, qui se débarasse, elle, de l'oubli qu'on lui porte. La découverte que son mari tue et viole des jeunes femmes lui permet enfin d'