La deuxième réalisation du comédien, à l’ordinaire, Ed Harris, est un Western à la fois traditionnel et paradoxalement briseur de mythes. Appaloosa, du nom d’une petite bourgade de l’ouest, sise en pleine cambrousse de Nouveau Mexique, régie par un criminel pernicieux, voit débarquer un tandem de justiciers, espoir unique de rétablir la loi et l’ordre en pleine anarchie. Le pitch n’offre qu’une légère variation de la thématique propre au genre, soit le bien, portant une étoile et des flingues, et le mal, ne portant que flingues et mauvaise conscience. Dès l’apparition mystérieuse de Virgil Cole (Harris) et de son compagnon, Everett Hitch (Mortensen), Les habitudes sont bouleversées et les tentatives de remise sur le droit chemin de la communauté débouchent sur une explosion de violence et de rancune. On connaît la musique, et ce depuis la grande époque des références du Western. Oui mais ici, Ed Harris dépeint aussi bien la virilité, la force de ces hommes affrontant la mort, que leurs faiblesses, leur humanité.
S’ils s’affichent comme des pendants de l’homme sans nom de Sergio Leone, en apparence, les personnages principaux deviennent très vite des individus facilement dépassés par l’environnement dans lequel il évolue. A la fois fort et robuste, les deux hommes de loi sont aussi fragiles et vulnérable. L’apparition, en début de parcours, de la gente féminine, en la personne de Renée Zellweger, ne fait que renforcer cet état de fait. Adroit une arme à la main, les deux hommes deviennent faibles et hésitants au bras d’une femme, notamment d’une femme aux mœurs douteuses. On comprend dès lors très bien la démarche d’Ed Harris, brisant un mythe sur une muraille vêtue d’une robe folklorique et d’un appétit immodéré pour le pouvoir masculin. Pour autant, si cette approche du Western n’est pas sans originalité, avouons que le potentiel de l’œuvre était ailleurs, sans compter que Renée Zellweger irrite d’avantage qu’elle ne sert à brouiller les cartes.
Oui, en dépit de toutes ses bonnes intentions, le comédien et réalisateur passe sensiblement à côté de son envie d’évoquer un autre aspect de l’ouest crasseux américain. A ce titre, bon nombre de séquence s’écroulent sous le poids d’une inadéquation avec les superbes scènes viriles qui opposent les hommes entre eux. Oui, malgré les errances scénaristiques et la présence irritante d’une actrice qui peine à convaincre, Appaloosa est un film attrayant, respectueux de bon nombre de codes. Les confrontations entre les différents intervenants, dont le meilleur est très certainement Viggo Mortensen, offrent quelques jolis moments de tension. On notera par ailleurs que si Jeremy Irons n’est pas dépourvu de défauts, dans son rôle du méchant, il constitue tout de même un individu de bonne stature pour se frotter à deux héros se voulant humains mais dévastateurs.
Ed Harris, qui n’a plus réalisé de long métrage depuis, peut se targuer d’avoir mis en scène un Western qui vaut un léger détour, du moins pour son appel à la nostalgie des grands espaces, des têtes brulées et des duels au soleil. Le genre n’est pas mort, en dépit de certaines médisances, et parfois, à l’image d’Appaloosa, de grands noms du cinéma US viennent nous le prouver. Souffrant pourtant de défauts, notamment d’interprétation féminine, ou encore de quelques lenteurs ou coupure momentanée du rythme général, on ne peut dès lors se permettre de classer le film de Ed Harris dans la catégorie des incontournable. Pour ma part, s’il faillait citer un Western moderne, soit produit Post passage au nouveau siècle, je conseillerais volontiers Open Range, qui voit se constituer une formidable duo entre Kevin Costner et Robert Duvall, dans une débauche de violence nettement plus addictive que pour l’occasion. 13/20