Kathryn Bigelow a créé l’événement en 2010 avec une réalisation qui sonnait davantage comme un documentaire qu’une fiction à part entière. Après « Point break extrême limite » et « K-19 : le piège des profondeurs », elle revient avec plus d’adrénaline au cœur du front Irakien. On se concentre ainsi sur la peur et la mort qui guettent le quotidien de chaque individu présent sur zone… que ce soit les visiteurs ou bien les autochtones.
Sans s’engager sur le contexte politique, la réalisatrice a préféré dynamiser son récit par de lourdes séquences de déminages. Les opérations sont porteuses de tensions permanentes, d’où l’absence stratégique de bande-son. Le but étant de manifester le sentiment de crainte chez le spectateur, de rend l’action immersive. La proximité du danger consolide l’attachement aux forces Américains présentes, tout comme le peu d’informations qui se limitent au champ visuel. Le patriotisme tient ainsi son sujet de façon formelle. On pourrait lui trouver des similitudes avec Platoon ou Apocalypse Now, mais tout l’intérêt de l’intrigue n’élève pas autant la voix.
Il fallait un bon Jeremy Renner, campant le Sergent William James, afin d’y parvenir. Il illustre parfaitement la position des Etats-Unis sur le terrain. Quelques fois déshumanisé face à la mort, son approche de déminage est, tout d’abord incohérente, bien que vraisemblable. La psychologie de l’anti-héros est surprenante à suivre. Cependant, la lecture s’avère complexe alors qu’on ne se limite qu’au décor désertique et agressif Irakien. Ce qu’il faut en tirer, c’est bien plus que de l’inconscience car il s’agit certainement du plus sentimental de tous. Les quelques brefs plans d’Irakiens laissent douter les acteurs de la guerre. Entre insurgés et civils inoffensifs, il est difficile de prétendre protéger ces derniers contre l’oppression et la peur. Bigelow ne néglige donc pas cet aspect et introduit même un jeune d’entre eux qui tisse des liens « familiaux » avec James. Il y a donc du recul sur ce que cette relation représente, alors que l’on pourrait s’attarder davantage sur celles avec ses frères d’arme.
On en vient alors à eux. Owen Eldridge (Brian Geraghty) est rationnel au plus haut point. On estime sa motivation à éviter le conflit autant que possible, tout comme son équipier JT Sanborn (Anthony Mackie). Ce dernier est jeune, il illustre parfaitement la crainte de mourir, contrairement à l’as du déminage qui met autant sa vie en danger que celle de son équipe. Entre eux, la tension monte et on nous porte à diverses réflexions, largement dominées sur le plan humain. Le goût de la vie, le goût de la guerre ? Quelle serait la réalité à envisager ? La réponse est abstraite, mais l’on peut dégager autre chose sur les valeurs de cette guerre qui a le mérite de bénéficier l’un de deux camps.
Et c’est au bout de l’aventure que la société américaine voit son système d’hyperconsommation critiqué. Ce pourquoi chaque vie prise et sacrifiée. Les valeurs que l’on défend dans cette guerre sont justement ces excès qui bordent la vie quotidienne de l’homme. L’autosuffisance n’est pas au programme quel que soit le continent et on le comprend assez rapidement.
En somme, « Démineurs » possède un statut trop surestimé sur ses diverses récompenses. Outre le patriotisme et l’addiction au danger qui sont les principaux messages, l’œuvre ne renferme pas plus de surprises au-delà du tiers de l’intrigue. Quelques fois confus dans la mise en scène, on peut aisément céder au spectaculaire et le semblant de réalisme que les hommes de terrains éprouvent quotidiennement. Malgré tout, le film parvient à malmener l’esprit du spectateur qui hésite autant devant une vitrine d’idées que sur le sens d’ôter une vie et la préserver.