Avouons le honnêtement, Démineurs est le genre de film sur lequel il est difficile d'avoir un avis objectif, car faisant partie des oeuvres un peu "casse-gueule" dans lesquelles on rentre complètement, ou au contraire qu'on regarde distraitement de loin sans se laisser absorber. Et voilà la grande difficulté du film: se laisser absorber. Il faut pour ce faire laisser derrière soi tout instinct de survie et accepter de ce faire littéralement broyer le bide pendant plus de deux heures.
Démineurs est lent, ne se veut certainement pas monumental et encore moins film d'action. Déception pour certain, bonne surprise pour ceux qui comme moi en ont soupé du film de gue-guerre sans fond dans lesquelles les rafales font offices de scénario. Ici, la guerre est vécue au quotidien. Pas d'héroïsme lourdingue, pas de "je vais te sauver Jimmy", au contraire chaque jour ressemble au précédent, et l'équipe constitue en elle même un mélange aussi instable que les fameuses IED qu'ils désamorcent quotidiennement. Alors évidemment on peut se demander où est le scénario dans tout cela et si le côté documentaire sans rebondissement ne devient pas un peu lassant au bout d'un moment. La encore : non.
Parce que le miracle de Démineurs, c'est d'être un film de guerre qui parle des soldats. Eldridge, Sanborn et bien évidemment le Sergent James, voilà le scénario du film. Trois engagés aux caractères différents. Le plus jeune, obsédé par la peur de mourir mais qui cherche à compenser sa frousse chronique en se faisant passé pour un dur. Le sergent Sanborn, le soldat qui fait son boulot mais compte bien rentrer chez lui debout. Enfin la tête brûlée, celui qui à force de se mettre en danger tous les jours finit par ne plus vivre que grâce à cela, mais qui dans le même temps est littéralement bouffé par son humanité, comme le montre sa relation avec le jeune Irakien. Oui mesdames, messieurs, Démineurs est aussi un film psychologique, renouant avec l'héritage d'Apocalypse Now, le fleuve en moins. Et comme pour son illustre ancêtre, il est servi niveau casting. Renner d'abord, et surtout Renner, qui transforme la prestation en une leçon, en incarnant avec brio un personnage bien plus complexe que le drogué de l'adrénaline qu'on nous décrit souvent. Mackie ensuite, toujours juste et presque énervant de réserve. Et enfin Geraghty, incarnation à mon sens parfait, du jeune américain qui passée l'excitation de l'engagement, finit par comprendre qu'il à peut être signé son arrêt de mort en même temps que son contrat de soldat.
Bref, je voulais faire court mais je crois que c'est peine perdu pour ce film, tant il y a de choses à en dire quand on l'a apprécié. Pour ceux qui ne l'aurait pas vu, je le conseil vivement, en les prévenant tout de même que le voir est aussi violent que de se manger un pain en pleine gueule.
Subjectivement, un chef-d'oeuvre.